Language of document : ECLI:EU:C:2015:524

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

2 septembre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Législation fiscale – Liberté d’établissement – Directive 90/435/CEE – Article 4, paragraphe 2 – Distributions de dividendes à caractère transfrontalier – Impôt sur les sociétés – Imposition des groupes (‘intégration fiscale’ française) – Exonération des dividendes versés par les filiales appartenant au groupe fiscal intégré – Condition de résidence – Dividendes versés par des sociétés filiales non-résidentes – Frais et charges non déductibles se rapportant à la participation»

Dans l’affaire C‑386/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE introduite par la cour administrative d’appel de Versailles (France), par décision du 29 juillet 2014, parvenue à la Cour le 13 août 2014, dans la procédure

Groupe Steria SCA

contre

Ministère des Finances et des Comptes publics,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts (rapporteur), vice-président de la Cour, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et C. Lycourgos, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mai 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour Groupe Steria SCA, par Me R. Schneider, avocat,

–        pour le gouvernement français, par MM. J.‑S. Pilczer et D. Colas, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, J. Möller et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. de Ree et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Kraehling, en qualité d’agent, assistée de Mme S. Ford, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. J.‑F. Brakeland et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Groupe Steria SCA au ministère des Finances et des Comptes publics au sujet du refus de ce dernier de restituer à cette société une fraction de l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt acquittée au titre des exercices fiscaux clos des années 2005 à 2008 et correspondant à l’imposition de la quote-part de frais et charges réintégrée dans ses résultats à raison des dividendes perçus de ses filiales établies dans des États membres autres que la France.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO L 7, p. 41), qui était en vigueur pendant la période sur laquelle porte le litige au principal, disposait, à son article 4:

«1.      Lorsqu’une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l’association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de cette dernière, l’État de la société mère et l’État de son établissement stable:

–        soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices,

–        soit les imposent tout en autorisant la société mère et l’établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous-filiale, [...] dans la limite du montant dû de l’impôt correspondant.

[...]

2.      Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale.»

4        L’article 9 de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 345, p. 8), a abrogé la directive 90/435.

 Le droit français

5        En vertu de l’article 145, paragraphe 1, du code général des impôts (ci-après le «CGI»), le régime fiscal des sociétés mères est applicable, notamment, aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations représentant 5 % au moins du capital de la société émettrice.

6        En ce qui concerne les produits des participations, l’article 216 du CGI dispose:

«I.      Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et visées à l’article 145, touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges.

La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d’impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d’imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participant au cours de la même période.»

7        S’agissant du régime de l’intégration fiscale, l’article 223 A du CGI dispose:

«Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés du groupe [...]

[...]

Seules peuvent être membres du groupe les sociétés qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun [...]»

8        L’article 223 B du CGI prévoit:

«Le résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun [...]

En ce qui concerne la détermination des résultats des exercices ouverts avant le 1er janvier 1993, ou clos à compter du 31 décembre 1998, le résultat d’ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges comprise dans ses résultats par une société du groupe à raison de sa participation dans une autre société du groupe [...]

[...]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        La requérante au principal est la société mère d’un groupe fiscal intégré, au sens de l’article 223 A du CGI. Steria, qui est une société membre de ce groupe, détient elle-même des participations supérieures à 95 % dans des filiales établies tant en France que dans d’autres États membres. En application de l’article 216 du CGI, les dividendes perçus par Steria de ses filiales établies dans d’autres États membres ont été déduits de son bénéfice net total, à l’exception d’une quote-part de frais et charges, forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus (ci-après la «quote‑part de frais et charges») et représentant les frais et charges supportés par la société mère, se rapportant à sa participation dans la filiale ayant distribué ces dividendes.

10      Après avoir spontanément acquitté, sur cette base, l’impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles à cet impôt, la requérante au principal a demandé, au titre des années 2005 à 2008, la restitution de la fraction de ces impositions correspondant à la quote‑part de frais et charges. Elle a fondé sa demande sur l’incompatibilité de la réglementation nationale en cause avec l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE). Elle a soulevé à cet effet l’inégalité de traitement entre les dividendes perçus par une société mère d’un groupe fiscal intégré, selon que les dividendes proviennent de sociétés elles‑mêmes membres de ce groupe intégré, ce qui implique que ces dernières soient établies en France, ou proviennent de filiales établies dans d’autres États membres. En effet, dans la première situation seulement, les dividendes sont exonérés totalement de l’impôt sur les sociétés en raison de la neutralisation, en application de l’article 223 B du CGI, de la réintégration, dans le bénéfice de la société mère, de la quote-part de frais et charges.

11      L’administration fiscale n’ayant pas fait droit à la demande de la requérante au principal, cette dernière a introduit un recours devant le tribunal administratif de Montreuil. À la suite du rejet de ce recours par un jugement du 4 octobre 2012, la requérante au principal a interjeté appel de ce dernier devant la cour administrative d’appel de Versailles.

12      La juridiction de renvoi rappelle que la Cour, dans son arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), a jugé que les articles 49 TFUE et 54 TFUE ne s’opposent pas à la législation d’un État membre qui ouvre la possibilité, pour une société mère, de constituer une entité fiscale unique avec sa filiale résidente, mais empêche la constitution d’une telle entité fiscale unique avec une filiale non-résidente, dès lors que les bénéfices de cette dernière ne sont pas soumis à la loi fiscale de cet État membre. Cependant, selon la juridiction de renvoi, ledit arrêt n’aurait pas examiné la conformité au droit de l’Union de l’ensemble des avantages réservés aux sociétés membres d’un groupe fiscal intégré.

13      Dans ces circonstances, la cour administrative d’appel de Versailles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 43 CE devenu l’article 49 TFUE relatif à la liberté d’établissement doit‑il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la législation relative au régime français de l’intégration fiscale accorde à une société mère intégrante la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des seules sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’un tel droit lui est refusé, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales implantées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option?»

 Sur la question préjudicielle

14      L’article 49 TFUE impose la suppression des restrictions à la liberté d’établissement. Dès lors, même si, selon leur libellé, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (arrêt X, C‑686/13, EU:C:2015:375, point 27 et jurisprudence citée).

15      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’établissement est entravée si, en vertu d’une législation d’un État membre, une société résidente détenant une filiale ou un établissement stable dans un autre État membre subit une différence de traitement fiscal désavantageuse par rapport à une société résidente détenant un établissement stable ou une filiale dans le premier État membre (voir arrêt Nordea Bank Danmark, C‑48/13, EU:C:2014:2087, point 19 et jurisprudence citée).

16      En vertu de la réglementation en cause au principal, les dividendes perçus par une société mère résidente et provenant d’une filiale, qu’elle soit résidente ou non-résidente, sont déduits du bénéfice net de la société mère, à l’exclusion de la quote‑part de frais et charges. Les frais et charges afférents aux participations dont sont issus des dividendes exonérés d’impôts sont, en effet, considérés comme étant non déductibles du bénéfice de la société mère.

17      Cependant, cette réintégration de la quote-part de frais et charges dans le bénéfice de la société mère est neutralisée en faveur d’une société mère faisant partie d’un groupe fiscal intégré, au sens de l’article 223 A du CGI, pour les seuls dividendes distribués par ses filiales appartenant à ce groupe.

18      Il résulte ainsi d’une réglementation d’un État membre telle que celle en cause au principal que les dividendes perçus par une société mère résidente faisant partie d’un groupe fiscal intégré, et qui ont été distribués par ses filiales appartenant au même groupe fiscal, sont entièrement déduits du bénéfice net de cette société mère et, partant, entièrement exonérés de l’impôt sur les sociétés dans cet État membre, alors que les dividendes perçus par ladite société mère de filiales n’appartenant pas audit groupe fiscal ne sont que partiellement exonérés de cet impôt, en raison de la réintégration de la quote‑part de frais et charges dans le bénéfice de cette même société mère.

19      Or, dès lors que, en vertu d’une telle réglementation, seules des sociétés résidentes peuvent faire partie d’un groupe fiscal intégré, l’avantage fiscal en cause au principal est réservé aux dividendes d’origine nationale.

20      Le fait d’exclure du bénéfice d’un tel avantage une société mère qui détient une filiale établie dans un autre État membre est de nature à rendre moins attrayant l’exercice par cette société mère de sa liberté d’établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres.

21      Pour que cette différence de traitement soit compatible avec les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, il faut qu’elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêt X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, point 20).

22      Or, la circonstance que les dividendes perçus par une société mère, qui bénéficient de l’exonération fiscale totale, proviennent de filiales faisant partie du groupe fiscal intégré auquel appartient également la société mère concernée ne correspond pas à une différence de situation objective entre sociétés mères justifiant la différence de traitement constatée (voir, en ce sens, arrêts Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, points 23 à 30; X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, points 21 à 24, et SCA Group Holding e.a., C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758, points 29 à 31). En effet, à l’égard d’une réglementation, telle que celle en cause au principal, prévoyant, par l’effet de la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges dans le bénéfice de la société mère, l’exonération fiscale totale des dividendes perçus, la situation des sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré est comparable à celle des sociétés n’appartenant pas à un tel groupe, dans la mesure où, dans les deux cas, d’une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale et, d’autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une double imposition économique ou d’une imposition en chaîne (voir, en ce sens, arrêts Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 113, ainsi que Santander Asset Management SGIIC e.a., C‑338/11 à C‑347/11, EU:C:2012:286, point 42).

23      Il convient encore d’examiner le point de savoir si une différence de traitement telle que celle en cause au principal est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

24      Les gouvernements français, néerlandais et du Royaume-Uni font valoir que la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges constitue un élément indissociable du régime de l’intégration fiscale, qui serait justifié par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89, points 18 et 43), la Cour, après avoir rappelé qu’un régime d’intégration fiscale permet, notamment, de consolider au niveau de la société mère les bénéfices et les pertes des sociétés intégrées dans l’entité fiscale et de conserver aux transactions effectuées au sein du groupe un caractère fiscalement neutre, a jugé que les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent pas à la législation d’un État membre qui ouvre la possibilité, pour une société mère, de constituer une entité fiscale unique avec sa filiale résidente, mais empêche la constitution d’une telle entité fiscale unique avec une filiale non-résidente, dès lors que les bénéfices de cette dernière ne sont pas soumis à la loi fiscale de cet État membre.

26      En effet, selon la Cour, l’exclusion de sociétés non-résidentes d’un tel régime est justifiée au regard de la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. La société mère pouvant décider à son gré de constituer une entité fiscale avec sa filiale et de dissoudre cette entité tout aussi librement d’une année à l’autre, la possibilité d’inclure dans l’entité fiscale unique une filiale non-résidente reviendrait à laisser à la société mère la liberté de choisir le régime fiscal applicable aux pertes de cette filiale et le lieu où celles‑ci seraient prises en compte (arrêt X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, points 31 à 33).

27      Il ne saurait toutefois être déduit de l’arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89) que toute différence de traitement entre des sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré, d’une part, et des sociétés n’appartenant pas à un tel groupe, d’autre part, est compatible avec l’article 49 TFUE. En effet, dans ledit arrêt, la Cour a seulement examiné la condition de résidence en tant que condition d’accès à un régime d’intégration fiscale et a jugé que cette condition était justifiée, en tenant compte du fait qu’un tel régime permet le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré.

28      En ce qui concerne les avantages fiscaux autres que le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré, il convient, par conséquent, d’examiner séparément, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 34 de ses conclusions, la question de savoir si un État membre peut réserver ces avantages aux sociétés faisant partie d’un groupe fiscal intégré et, partant, les exclure dans des situations transfrontalières.

29      Or, une différence de traitement telle que celle en cause au principal ne peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. En effet, cette différence de traitement ne porte que sur des dividendes entrants, perçus par des sociétés mères résidentes, de telle sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre est concernée (voir, en ce sens, arrêt Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, points 39 et 40).

30      Les gouvernements français, allemand et du Royaume-Uni ont également invoqué la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal en cause au principal.

31      Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (arrêt Bouanich, C‑375/12, EU:C:2014:138, point 69 et jurisprudence citée).

32      À cet égard, le gouvernement français a soutenu que l’avantage fiscal en cause au principal répond à l’objectif d’assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements.

33      Certes, une telle assimilation implique qu’il soit fait abstraction de la participation détenue par la société mère tête d’un groupe fiscal intégré dans le capital de ses filiales, ce qui implique que différentes opérations au sein du groupe soient considérées comme fiscalement inexistantes. Or, la Cour a admis, dans l’arrêt Papillon (C‑418/07, EU:C:2008:659, point 50), qu’un lien direct puisse exister, dans le régime de l’intégration fiscale, entre un avantage fiscal consenti aux sociétés faisant partie d’un groupe fiscal intégré et un désavantage fiscal résultant d’une telle neutralisation des opérations internes audit groupe. Dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt, la prise en compte immédiate par la société mère des pertes subies par sa filiale était compensée par la circonstance qu’il était fait abstraction, dans le contexte d’un groupe fiscal intégré, de l’existence d’une participation de la première société dans la seconde, rendant impossible, pour la société mère, de constituer une provision pour dépréciation de sa participation dans la filiale subissant des pertes (voir arrêts Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, point 48, et SCA Group Holding e.a., C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758, points 34 et 35).

34      Cependant, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Papillon (C‑418/07, EU:C:2008:659), aucun lien direct, au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, n’a pu être identifié entre l’avantage fiscal en cause au principal et un désavantage fiscal résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe.

35      En effet, même si comme le soutient le gouvernement français, la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges résulte de l’assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, cette neutralisation ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscal intégré, mais lui confère, au contraire, ainsi qu’il ressort des points 17 à 19 du présent arrêt, l’avantage fiscal en cause au principal.

36      Partant, l’argumentation tirée de la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal en cause au principal ne peut être accueillie.

37      Enfin, les gouvernements français et allemand font également valoir que l’avantage fiscal en cause au principal est conforme à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 90/435, en vertu duquel les États membres gardent la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation d’une société mère dans sa filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la première société. Or, l’article 216 du CGI mettrait en œuvre cette faculté.

38      Une telle argumentation ne peut pas non plus être accueillie.

39      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la possibilité offerte aux États membres à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 90/435 ne saurait être exercée que dans le respect des dispositions fondamentales du traité, en l’occurrence l’article 49 TFUE (voir arrêts Bosal, C‑168/01, EU:C:2003:479, point 26; Keller Holding, C‑471/04, EU:C:2006:143, point 45, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 46).

40      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option.

Signatures


* Langue de procédure: le français.