EXCLUSIF. Le réalisateur de la série Thorgal se confie

Oscarisé pour La Vie des autres, le cinéaste va se lancer dans l'adaptation de la BD de Van Hamme et Rosinski. Pour la première fois, il s'explique.

Propos recueillis par

« Thorgal possède la dramaturgie des meilleures bandes dessinées, l’intelligence des grands romans, et la beauté du grand cinéma », selon le réalisateur en charge de son adaptation. 

« Thorgal possède la dramaturgie des meilleures bandes dessinées, l’intelligence des grands romans, et la beauté du grand cinéma », selon le réalisateur en charge de son adaptation. 

© Le Lombard

Temps de lecture : 6 min

C'est une rencontre pour le moins inattendue : celle entre un réalisateur allemand consacré par Hollywood et qu'on pensait attaché à une école (néo)réaliste, et une bande dessinée franco-belge mêlant heroic fantasy, science-fiction et saga familiale. Et pourtant, la série Thorgal verra bien le jour sous la double impulsion de Florian Henckel von Donnersmarck, qui a obtenu l'Oscar du meilleur film étranger pour l'inoubliable Vie des autres en 2007, et de Jan Motjo, qui a notamment produit la série très remarquée Babylon Berlin. Alors que tous deux sont actuellement en pleine promotion du dernier film de Henckel von Donnersmarck, Werke Ohne Autor, une grande fresque de l'histoire allemande depuis la prise du pouvoir par les nazis jusqu'à la construction du mur de Berlin, et présenté à la dernière Mostra de Venise, le réalisateur a accepté d'évoquer en exclusivité pour Le Point Pop la future adaptation de Thorgal sur petit écran. Où l'on apprend que ce projet fou est peut-être plus avancé qu'on ne le croit...

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Le Point Pop : Comment avez-vous découvert Thorgal ?

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Florian Henckel von Donnersmarck avec son Oscar, le 3 mars 2017 en Allemagne. 

© DB Volker Hartmann
Florian Henckel von Donnersmarck : Mon frère a fait ses études de physique à l'université de Louvain alors que j'étais encore écolier. Quand je suis allé lui rendre visite pour la première fois, un matin très tôt, il m'a dit : « Je ne pourrai pas venir te chercher à la gare. Je serai devant la librairie à faire la queue pour le nouvel album de Thorgal. » Je ne savais pas de quoi il parlait, mais quand je suis arrivé, j'ai vu une queue de plusieurs blocs d'étudiants qui attendaient l'ouverture de la librairie pour enfin connaître l'histoire de la naissance du deuxième enfant de Thorgal (Louve), et parmi eux il y avait mon frère. Il m'a donné à lire le cycle de Brek Zarith, puis L'Enfant des étoiles et Aaricia, et enfin Les Archers et les volumes du Pays Qâ.

Quel effet a produit sur vous la lecture de cette saga ?

J'étais épaté, je n'avais jamais rien lu d'aussi intense, spirituel, beau, léger et profond en même temps. Et l'érotisme de Kriss de Valnor et de la Gardienne des clés ne gâchait rien ! C'était comme si quelqu'un avait pris tout ce qui me fascinait dans la mythologie, dans La Guerre des étoiles, chez Alexandre Dumas, Sidney Sheldon et Richard Wagner, pour en faire quelque chose de complètement moderne et nouveau. Thorgal possède la dramaturgie des meilleures bandes dessinées, l'intelligence des grands romans, et la beauté du grand cinéma – ou plutôt de l'espoir que nous plaçons toujours dans le cinéma quand s'ouvre le rideau. En réalité, je ne crois pas qu'il y ait dans toute l'histoire du cinéma d'aventure des moments aussi intenses et cinématiques que la mort de Tjall le Fougueux, la découverte par Thorgal de la statue de la Déesse sans nom, l'apparition de la petite Aaricia sur l'îlot sacré pour sauver Thorgal dans le Holmganga, ou encore le cauchemar où Aaricia est proclamée reine du Pays d'Aran. Je pourrais continuer à énumérer des douzaines de scènes de ce type.

Lorsque l'on regarde votre filmographie, on est très éloigné de l'Heroic Fantasy ou de la science-fiction. Qu'est-ce qui intéresse le réalisateur de La Vie des autres dans l'adaptation d'une telle série ?

Thorgal est tout simplement doté d'un storytelling d'un niveau sans pareil. Et c'est beaucoup plus important que l'univers dans lequel se déroule un film. Regardez ce que Peter Jackson avait fait avant Le Seigneur des Anneaux – quelques films d'horreur-comédie et un psychodrame sur deux amies meurtrières. Mais les livres de Tolkien étaient sa passion depuis qu'il était adolescent. Il en est de même pour moi et Thorgal. Mes grands professeurs d'écriture de cinéma étaient Hergé et Van Hamme – ce que j'ai appris d'eux, je l'utilise tous les jours. Quand j'ai eu mon Oscar pour La Vie des autres, les studios m'ont demandé : Qu'est-ce que vous voulez faire maintenant ? Quel est le sujet qui vous passionne le plus ? » Et j'ai répondu : Thorgal.

Peut-être ne sommes-nous pas si loin de la réalisation !

Visuel de la convention Thorgal qui aura lieu le 15 novembre 2018.

© Le Lombard
Je suis allé en France en 2007 avec mon producteur Jan Mojto pour commencer la lutte pour obtenir les droits d'adaptation. Ça a mis dix ans ! Mais finalement, Laurent Duvault, qui s'occupe des droits pour Le Lombard, a permis de tout débloquer. Il connaît très bien le monde du cinéma et de la télévision et il sait que le plus important, c'est que le cinéaste ait une relation sincère avec son modèle littéraire. Je me souviens que David Benioff, à qui étaient ouvertes toutes les portes du monde du cinéma (il avait notamment signé les scénarios de Troie et de X-Men Origin. Wolverine), s'est pourtant consacré pendant des années à développer Game of Thrones – nous étions tous un peu étonnés. Mais il me disait : « C'est ce qui m'intéresse le plus. » C'est seulement comme ça que ça peut marcher. Si c'est un calcul économique avec un producteur canadien qui dit : « Ah, voilà une bande dessinée franco-belge qui a vendu x millions d'exemplaires. Je pourrai donc avoir x million d'euros de la télévision européenne. J'évite trop de dépenses pour le développement de l'intrigue, puisque c'est déjà fait. Achetons ça ! », alors c'est fichu depuis le début.

Même si vous êtes encore loin de la réalisation, d'autres séries comme Game of Thrones ou Vikings ont déjà traité un univers relativement similaire. Avez-vous déjà une idée de ce qui fera la singularité de Thorgal ?

Peut-être ne sommes-nous pas si loin de la réalisation ! Le monde de la télévision est plus rapide que celui du cinéma. Et le monde des OTT (Over The Top, expression qui désigne les fournisseurs de contenu comme Netflix ou Hulu, NDLR) est encore plus rapide. Et j'ai eu presque 30 ans pour penser comment porter Thorgal à l'écran. Thorgal est un héros d'une moralité très profonde. Dans un temps de grande confusion morale comme le nôtre, un homme aussi juste et bon sera presque révolutionnaire. Et très apprécié, je crois. En plus, c'est une série qui correspond à notre monde d'aujourd'hui : Thorgal est le premier représentant de notre monde connecté. Laurent Duvault a fait une carte qui indique les continents et les pays où se déroulent les aventures de Thorgal : à part Tintin, aucun héros ne voyage autant que lui.

Rosinski, le dessinateur de Thorgal, nous a confié ne pas être intéressé par l'adaptation de son œuvre , parce qu'à l'écran on ne dispose pas de la même liberté qu'en BD. Vous allez essayer de le faire mentir ?

Je comprends pourquoi il peut dire ça. Mais je crois qu'il sera étonné de voir à quel point la série sera semblable à sa création. Je n'ai pas acheté les droits d'un génie visuel comme Rosinski pour ensuite tout changer. Il y a quelques rares éléments qui font un peu années 1980, comme les vaisseaux spatiaux. Ça, je le rendrai un peu plus moderne. À part cela, Rosinski retrouvera son Thorgal sur l'écran. Et je resterai très fidèle à Van Hamme également. Ce ne sera pas une réinvention de Thorgal. Je veux faire ressentir aux spectateurs ce que j'ai ressenti quand j'ai lu un Thorgal pour la première fois. Si je peux réussir à faire ça, j'aurai achevé mon but.

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Commentaires (3)

  • FdC

    Suis pressé de voir le résultat. Il en parle avec fougue et talent. La Vie des Autres était magnifique d'humanité. Mais Thorgal est une autre gageure. Espérons que la splendeur du trait de Rosinski trouve une équivalence sur grand écran. Pour le scénario, pas de souci, Van Hamme est un génie cinématographique.

  • Tj85710

    En tout cas il en parle bien. J'apprécie les motivations qu'il donne. A suivre donc.

  • Solaris_1982

    J'ai hâte de voir à quoi ressemblera Kriss de valnor