Publicité

UE: Jean-Claude Juncker fragilisé par le «LuxLeaks»

Le chef de la Commission européenne, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, mercredi, à Bruxelles. FRANCOIS LENOIR/REUTERS

Les révélations sur le Luxembourg gênent son ancien premier ministre, alors qu'il prend la tête de la Commission européenne.

Correspondant à Bruxelles

Les ennuis commencent, au bout de cinq jours à peine. Jean-Claude Juncker, nouveau patron de la Commission européenne, se retrouve sous les projecteurs pour une mauvaise raison: la révélation d'un système massif d'allégements fiscaux organisé par le Luxembourg. Au profit des multinationales. Mais aux dépens des États voisins, comme des contribuables européens.

Ce que certains appellent déjà le «LuxLeaks» tient du secret de Polichinelle, et les pratiques fiscales imputées à Jean-Claude Juncker, alors premier ministre du Grand-Duché, sont loin d'être illégales. Mais l'affaire tombe à un moment politique désastreux. Pour l'UE d'abord, qui peine à rebondir politiquement après avoir demandé beaucoup de sacrifices. Pour le président de l'exécutif européen ensuite, qui veut rapprocher l'institution des citoyens dans ce qu'il qualifie lui-même de «mission de la dernière chance».

Une quarantaine de médias internationaux ont révélé jeudi des accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et 340 firmes transnationales dont Apple, Amazon, Heinz, Ikea, Pepsi ainsi que les françaises Axa et Crédit agricole

Une quarantaine de médias internationaux, dont Le Monde en France, ont révélé jeudi des accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et 340 firmes transnationales dont Apple, Amazon, Heinz, Ikea, Pepsi ainsi que les françaises Axa et Crédit agricole. L'objectif était clair: réduire l'impôt afin de rendre plus attrayante l'implantation financière au Grand-Duché, et faciliter du même coup les transferts fictifs d'activité vers de vrais paradis fiscaux, hors de l'UE.

Ces accords (tax rulings) ont été passés entre 2002 et 2010, quand Jean-Claude Juncker était premier ministre. C'est lui qui a transformé le Luxembourg en place forte financière, après le désastre de la sidérurgie dans les années 1980. Sa responsabilité politique est donc engagée, même s'il a essayé de limiter la pratique dans les dernières années, sous la pression conjuguée de Berlin et de Paris. Jeudi, il a fait le dos rond. Il a laissé à un porte-parole le soin d'expliquer laborieusement que c'est son successeur, Xavier Bettel, qui se retrouve aujourd'hui en première ligne. En compagnie de la nouvelle commissaire européenne à la Concurrence, la Danoise Margrethe Vestager.

L'enquête s'appuie sur 28.000 pages de documents obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ). La source est la puissante firme américaine d'audit et de conseil PricewaterhouseCoopers (PWC). Elle concède que des documents lui ont été volés. Reste à savoir maintenant si la dynamique politique européenne va s'emballer. Ou si l'affaire peut en rester là.

« Ce n'est pas le moment de fragiliser l'Europe. La question serait plutôt d'en finir sans démagogie avec les régimes d'exception »

Un ministre

De France comme d'Allemagne, de premières réactions montrent que l'urgence politique est de protéger la Commission, quitte à fermer les yeux sur les errements passés de son patron. «Ce n'est pas le moment de fragiliser l'Europe, dit un ministre en vue. La question serait plutôt d'en finir sans démagogie avec les régimes d'exception. Le Luxembourg oui, mais surtout la Suisse! Et si l'on parle d'optimisation fiscale, il faut regarder du côté des Pays-Bas, du Royaume-Uni avec ses dépendances et même vers les États-Unis.» Michel Sapin, venu à Bruxelles pour un Eurogroupe, insiste de son côté sur la dimension «mondiale» du défi.

De fait, la Commission Barroso a porté le fer dès octobre, avec une enquête approfondie sur les avantages fiscaux indus accordés par le Luxembourg à Amazon, le géant de la distribution en ligne. L'Irlande doit elle aussi s'expliquer sur des cadeaux consentis à Apple, premier groupe au monde. Il en va de même pour les Pays-Bas, avec Starbucks. Quatre autres pays sont dans le viseur: le Royaume-Uni, la Belgique, Chypre et Malte. Jean-Claude Juncker a déjà assuré qu'il n'interférerait en aucun cas. Mais il s'est gardé de promettre une collaboration active à l'enquête.

UE: Jean-Claude Juncker fragilisé par le «LuxLeaks»

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
50 commentaires
    À lire aussi