Salon de l'agriculture : le porc, ce gentleman

Le hashtag #BalanceTonPorc invite à dénoncer les goujats. Mais, contrairement à l'homme, le verrat ne se comporte jamais de façon déplacée avec les truies.

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Le porc n'est pas un animal particulièrement sexué.

Le porc n'est pas un animal particulièrement sexué.

© Archives du 7eme Art / Photo12

Temps de lecture : 4 min

Créé à la suite de l'affaire Weinstein par la journaliste Sandra Muller, le hashtag #BalanceTonPorc sur les réseaux sociaux invite les internautes francophones à « balancer », autrement dit à « dénoncer », les hommes qui les ont harcelées. Résultats : des centaines de milliers de tweets et des dizaines de milliers de témoignages relatant des comportements déplacés, voire carrément agressifs. Mais, s'il est associé à un mouvement planétaire de libération de la parole des femmes, ce mot dièse, comme on dit dans la langue de Molière et de Jacques Toubon, n'en finit plus de provoquer des grognements.

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Depuis quelques semaines, deux camps s'affrontent à coups de tribunes, de débats dans les médias, d'invectives sur les réseaux sociaux : ceux qui considèrent que les mâles, profitant de leur statut, de leur pouvoir ou de leur force pour assouvir leurs pulsions, méritent d'être publiquement traînés dans la boue numérique, avec ou sans autre forme de procès, et que l'utilisation du hashtag encourage la libération de la parole des femmes importunées ou abusées. Et ceux qui dénoncent un mouvement de « délation » injustifié, la montée d'un « nouveau puritanisme », ou défendent la « liberté d'importuner ».

Mais sur le champ de bataille, au milieu de cette guerre de tranchées entre les amis de Caroline De Haas et ceux d'Éric Zemmour, il est une victime collatérale dénuée de parole que l'on n'entend même pas couiner : le porc, animal injustement comparé aux hommes de la pire espèce. À l'occasion de l'ouverture du Salon de l'agriculture, intéressons-nous à la vie intime du verrat.

Des petits coups de groin sur le côté

Certes, l'homme et le porc ont des similitudes : un patrimoine génétique proche ; une faculté d'adaptation hors du commun ; une capacité à coloniser des territoires et à nuire à leur propre habitat ; un corps sujet au diabète, à l'obésité et à certaines maladies comme Parkinson et Alzheimer. Mais question sexualité, il n'y a aucun rapport. Le cochon, lui, a un comportement sexuel peu varié. Si son éjaculation est importante – trois milliards de spermatozoïdes produits à chaque fois, contre environ 100 millions chez l'homme fécond –, il est assez peu sexué.

Mais surtout, contrairement au mâle humain, le verrat n'a jamais de comportement déplacé avec les truies. « Si une femelle est en chaleur, elle s'immobilise. À ce moment-là, le porc vient lui mettre des petits coups de groin sur le côté. Puis il lui monte dessus pour la saillir. Elle ne dit pas non. Mais si elle ne veut plus, elle peut très bien s'en aller », explique Stéphane Mercier, éleveur de porcs bio à la ferme de Fond Malot. De mémoire d'agriculteur, il n'a « jamais observé un porc importunant une truie qui n'est pas en chaleur ».

Le porc, « victime de la revalorisation du chien »

Mais s'il ne se comporte jamais comme un prédateur sexuel, pourquoi l'honneur du porc est-il ainsi sali ? Interrogé par Le Point, Michel Pastoureau, qui lui consacre un livre truculent intitulé Histoire d'un cousin mal aimé (Gallimard, « Découvertes »), explique qu'on associe le porc à la luxure depuis la fin du XVIe siècle : « Dans l'Antiquité, Harvey Weinstein n'aurait pas été qualifié de porc, mais de chien ou de loup. Ce sont ces deux animaux qui étaient associés à l'avidité sexuelle. »

Si le porc a pris leur place, c'est parce qu'il est, selon l'historien médiéviste, « victime de la revalorisation du chien ». Le cochon fait alors figure de coupable idéal : il vit dans la saleté pour protéger sa peau qui est souvent lisse. Il représente la part humaine la plus méprisable, la plus vicieuse, celle qui se vautre dans la fange. C'est l'animal proscrit, banni des assiettes par les religions juive et musulmane. De là à en faire un goujat, il n'y a qu'un pied. « Le cochon est déjà sale, il se goinfre, on ne se gêne pas pour lui ajouter un vice de plus, le pauvre, celui de la lubricité », synthétise l'historien.

#BalanceTonAntilope

Mais si les porcs sont relativement respectueux de leurs partenaires, est-ce le cas de toutes les espèces animales ? « La plupart des animaux exigent le consentement. Mais on peut attribuer le viol à certaines espèces : le canard, l'otarie, les phoques », explique l'éthologue Thierry Lodé, auteur du livre La Guerre des sexes chez les animaux (éditions Odile Jacob). Selon le chercheur, d'autres animaux forcent parfois le consentement de leur partenaire : « Chez les antilopes africaines, il arrive fréquemment que des mâles isolent des femelles. Il arrive aussi que les dauphins se mettent à trois ou quatre pour isoler une femelle afin d'obtenir un comportement sexuel », poursuit le chercheur. S'il est toujours hasardeux de comparer les comportements humains et ceux des animaux, l'utilisation du hashtag #BalanceTonCanard, #BalanceTonAntilope, ou encore #BalanceTonDauphin eût donc été beaucoup plus adéquat que #BalanceTonPorc. Mais pas autant que #BalanceTonHomme.

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Commentaires (24)

  • chatbleeu

    J'ai pris deux côtelettes dans la figure en entrant dans une charcuterie.

  • Djill

    Et le jour où l'on interdira la charcuterie (elle l'est déjà dans certains hôpitaux), je serai de fort mauvaise humeur !

  • CADET ROUSSELLE

    BALANCE TON PORC
    ELLE EST RAVIE