NEAN

KIEV

2022

Sous commissariat de Michaël Nicolaï

 

L’intervention de Nean n’a pas été exécutée en décembre 2021 avec les huit autres peintures dans les parkings du Parlement. La commande est arrivée au printemps de l’année suivante et est, au départ, motivée par un double souci d’occupation des surfaces encore disponibles et de fluidité dans les enchaînements entre les œuvres au niveau -2. Nean y a répondu en travaillant sur deux murs au centre de l’espace et sur un troisième à une de ses extrémités.

Autre singularité : Nean est le seul artiste de la sélection à qui le Bureau du Parlement a suggéré une thématique : « L’Ukraine. La Paix ». « Je reconnais que les pratiques créatives ont très souvent une portée politique, explique l’artiste. C’est sans doute plus évident ici qu’ailleurs. Mais, pour moi, ce n’est pas un souci si cela véhicule des valeurs que j’approuve. Reste qu’il fallait d’emblée éviter les clichés. Sacrifier aux poncifs du genre eut été lugubre et naïf. J’ai accepté ce qui peut paraître une gageure parce qu’une grande latitude m’était laissée dans le traitement du sujet. J’ai veillé à écarter toute allusion au premier degré et me suis concentré sur la forme davantage que sur le fond. Elle devait pouvoir exprimer le thème proposé de façon presque autonome. » Ainsi, s’il faut reconnaître que, depuis l’invasion russe du 24 février 2022, chacun sait que le bleu et le jaune sont les couleurs du drapeau ukrainien, cela n’empêche en rien de les employer pour elles-mêmes et pour ce qu’elles peuvent évoquer par ailleurs. Ainsi dans l’esprit de Nean sont-elles aussi évocatrices de sérénité et du cycle jour-nuit.

 

Contrairement à la plupart des autres intervenants dans les parkings lesquels sont restés fidèles à leur manière, Nean a choisi de s’adapter aux particularités du site. Les amateurs d’art urbain connaissent ses portraits hyperréalistes à la technique virtuose où les influences de la peinture académique sont avouées sans ambages. Ils ne les retrouveront pas ici. « Ce que j’ai peint au Parlement n’est en effet pas représentatif. La fonction même du parking est incompatible. Je développe des tournures narratives. Il suffit qu’une voiture cache une partie de la pièce pour rompre la linéarité du récit. » Et puis, il y a la forme du site, celle des murs coincés entre sol et plafond puis celle de leurs maçonneries où son intervention devait prendre place avec leurs textures très présentes et très chaotiques. « Je n’ai pas vécu le lieu comme un plus. Je devais m’émanciper du support, de sa disparité et de son écrasement. La qualité très hétérogène des murs m’a conforté dans ma volonté de faire prévaloir des formes moins figuratives que d’habitude. J’ai représenté des tournesols qui sont les fleurs emblématiques de l’Ukraine et des oiseaux qui peuvent être des colombes. Mais ils sont peu lisibles et ne le deviendront qu’à celui qui voudra y prêter attention. J’ai travaillé la couleur et le dynamisme de la composition pour désenclaver ma peinture. Elle semble d’ailleurs sortir du cadre. »

Pierre Henrion

Définition
Nean