Boycott

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Le boycott, boycottage ou encore, en français, la mise à l'index[1],[2], est le refus collectif et systématique d'acheter ou de vendre les produits ou services d'une entreprise ou d'une nation pour marquer une hostilité et faire pression sur elle.

Le terme boycott peut aussi s'utiliser pour désigner le refus collectif de participer à des élections ou à des événements.

Le boycott a pour but et pour effet de déranger et de nuire à autrui. Dans un État de droit fondés sur des préceptes comme « neminem laedere » qui interdisent de nuire à autrui, la question du boycott se trouve à la limite de la légalité et nécessite certaines formes de retenue[3].

Origines du terme[modifier | modifier le code]

Le terme vient du nom du britannique Charles Cunningham Boycott (1832-1897), intendant d'un riche propriétaire terrien du comté de Mayo, en Irlande de l'Ouest, durant le XIXe siècle : comme il traitait mal ses fermiers, il subit un ostracisme et un blocus de leur part en 1880. Le mot boycott se répandit par voie de presse et « boycottage » fit son entrée en France en 1881, officialisant une pratique qui existait depuis des siècles, puis est devenu « boycott » récemment, comme dans le reste du monde francophone, à cause de la redondance du suffixe[4].

Clarification terminologique[modifier | modifier le code]

En dehors de son utilisation dans les affaires privées, le terme boycott peut également être utilisé entre États.

Au cours de l'Histoire et au fil du temps et suivant le contexte, les termes boycott et embargo ont pu couvrir des réalités variantes et différentes[5].

Dans les relations d’État à État, et dans une certaine compréhension du sens moderne, l'embargo concerne plus spécifiquement les exportations alors que le boycott concerne plus spécifiquement les importations. Le blocus est une mesure plus stricte que l'embargo qui se rapproche d'un État de guerre. Le terme d'embargo, plus souple, est une possibilité qui peut s’accommoder de la paix[5].

Le boycott et l'embargo peuvent être une manière de mise en œuvre de sanctions internationales ou de sanctions commerciales.

En droit privé, et au Québec, différents types de boycottages existent comme : boycott entre employés et employeurs, boycott entre industriel et commerçants, primary boycott et secondary boycott, boycott simple, boycott tripartite, boycott indirect[6].

Historique[modifier | modifier le code]

1879 en Irlande : origine du mot boycott[modifier | modifier le code]

Le premier boycott est répertorié en 1879 ; il est mis sur pied à l'appel de Charles Parnell, dirigeant de la Ligue agraire, qui le lança contre Charles Cunningham Boycott, intendant d'un riche propriétaire terrien qui traitait mal ses fermiers.

XXe siècle - Mouvement d'émancipation juif[modifier | modifier le code]

Le premier boycott de l'Empire tsariste eut lieu en 1900 à Bialystok : le Bund (Union générale des travailleurs juifs) lança un boycott des cigarettes de la manufacture de tabac Janovski. Dans un appel au public, le Bund dénonçait Fajwel Janovski, « juif pieux allant à la synagogue régulièrement », qui venait de licencier 45 jeunes filles juives. Ceux qui persistaient à acheter des cigarettes Janovski se les voyaient arracher et brûler. Le patron céda et réembaucha les jeunes femmes.

Mouvement de libération indien[modifier | modifier le code]

En Inde en 1930, le Mahatma Gandhi lance un boycott sur les impôts liés au sel, contre l'Empire britannique.

1933 - L'appel juif au boycott international de l'Allemagne[modifier | modifier le code]

Le journal Daily Express de Londres du 24 mars 1933 paraît avec comme titre à la une : « Judea Declares War on Germany ! », Les Juifs déclarent la guerre à l'Allemagne !

Dans la suite de l'article, on peut lire « Les Juifs du monde entier se donnent la main, il y a un boycott des produits allemands et des manifestations de masse. Les tensions entre Juifs et Allemands ont eu une répercussion aussi étrange qu’inattendue : l’ensemble d’Israël à travers le monde se met à l’unisson pour déclarer une guerre économique et financière à l’Allemagne. Le premier cri à s’être fait entendre, c’est : « l’Allemagne persécute les Juifs », mais au train où vont les choses, on pourrait bien entendre monter une plainte du côté d’Hitler « les Juifs persécutent l’Allemagne »[7]. »

L'Allemagne réagit en organisant le 3 avril 1933 la journée de boycott antisémite de 1933 en Allemagne contre les commerçants juifs, première manifestation antisémite d'envergure organisée par les nazis après leur arrivée au pouvoir.

1955 - Mouvement des droits civiques aux États-Unis[modifier | modifier le code]

Le boycott des bus de Montgomery en 1955 à l'appel de Martin Luther King pour obtenir la fin de la discrimination raciale.

Un bus appelant au boycott de l'apartheid, à Londres, en 1989.

Mouvement contre l'apartheid en Afrique du Sud[modifier | modifier le code]

Le boycott politique de l'Afrique du Sud pour mettre fin à l'apartheid, à partir des années 1970, avec l'exemple de la marque Outspan.[réf. nécessaire]

Politique étrangère américaine[modifier | modifier le code]

Le boycott est organisé par les États-Unis (entraînant d'autres nations) en 1980 lors des Jeux olympiques de Moscou, pour protester contre l'intervention soviétique en Afghanistan. Opération réussie puisque 80 pays seulement y ont été représentés ; mais l'Union Soviétique (avec 13 autres nations) boycotte à son tour les Jeux olympiques de Los Angeles en 1984.

Mouvement de libération palestinien[modifier | modifier le code]

Depuis , la société civile palestinienne appelle aux boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël[8].

Mouvement autonomiste tibétain contre la Chine[modifier | modifier le code]

Certains Tibétains en exil appellent à un boycott des produits fabriqués en république populaire de Chine, car selon Jamyang Norbu, un écrivain tibétain en exil et partisan de l'indépendance du Tibet[9], ces produits sont fabriqués dans des camps de travaux forcés, dans des manufactures tenues par des militaires chinois, ou par une main-d'œuvre privée de ses droits[10].

Boycott par des syndicats[modifier | modifier le code]

La Cour suprême de Norvège a considéré illégal le projet de la Norwegian Confederation of Trade Unions et de la Norwegian Transport Workers' Union de boycotter une compagnie maritime, Holship Norge AS, qui voilait employer des salariés en dehors d'une convention collective cadre dans le port de Drammen. Cette décision juridique d'interdiction de boycott a été soutenue par la Cour européenne des droits de l'homme sur la base des motifs pertinents et suffisants dans les circonstances particulières de cette affaire et notamment la caractérisation de la nature et de l'objectif du boycott proposé[11].

Boycott par des consommateurs[modifier | modifier le code]

Le boycott est un mode de protestation assez adapté à quelques tendances de notre société actuelle : individualiste mais solidaire. Le face-à-face Syndicat / Patronat fait place à un face-à-face Consom'acteurs / Multinationales avec la montée en puissance de celles-ci[12].

Les « consom'acteurs » utilisent, en tant que citoyens, leur pouvoir d’achat comme une sorte de droit de vote pour compenser leur impuissance en tant qu’électeurs. Ce vote ne respecte certes pas le principe un homme, une voix, mais n'en constitue pas moins un contre-pouvoir. Les multinationales sont en expansion. Or elles sont, par définition, moins astreintes au contre-pouvoir du politique et des élus d’un pays, donc aussi à celui de leurs électeurs. En l’absence de vote efficace, les citoyens utilisent alors leur seul autre moyen d’exercer un contre-pouvoir : le boycott ou chantage au non-achat[13].

Le boycott est un phénomène que les entreprises doivent prendre en considération pour ne pas être pénalisées par une baisse de demande[14]. Le boycott est d'autant plus efficace que l'entreprise a de grands frais fixes, et qu'une baisse d'à peine 5 % de la demande pourrait par exemple faire baisser son bénéfice de plus de moitié. L'appel au boycott peut donc avoir un énorme impact. Il peut être la goutte d’eau qui va définitivement déstabiliser un marché si celui-ci est déjà en difficulté. Pour le coup, le législateur a déjà mis en place dans certains pays, dont la France, quelques lois anti-boycott[15].

Efficacité[modifier | modifier le code]

Un boycott seul peut ne pas suffire à atteindre l'effet recherché, même s'il peut avoir un rôle determinant comme dans le cas du boycott contre l'Afrique du Sud dont les mesures ont fortement participé à la fin de l'apartheid[16].

L'efficacité dépend aussi des produits boycottés : avec la mondialisation des échanges, les boycotts perdent en efficacité à l'exception des boycotts de produits substituables[17].

Légalité[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

En France, l' UFC a été condamné en 1969 et 1978 pour ses appels au boycott[3].

Différents types de boycott peuvent être illicites, notamment : boycott fondé sur une discrimination raciale, boycott caractéristique d'une entente anticoncurrentielle, d'un abus de position dominante[3].

Le boycott peut constituer une discrimination envers une personne physique ou un membre d'une personne morale s'il réunit les conditions définies aux articles 225-1 et 225-2[18] du code pénal, c'est-à-dire si le boycott :

« constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de la grossesse, de l'apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme, du lieu de résidence, de l'état de santé, de la perte d'autonomie, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. »[18]

La Cour de cassation confirme cette analyse dans son arrêt du , concernant le boycott de produits israéliens : « la provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d'opinion et d'expression dès lors qu'elle constitue un acte positif de rejet, se manifestant par l'incitation à opérer une différence de traitement à l'égard d'une catégorie de personnes »[19].

Cette analyse de la Cour de cassation a été invalidée par les juges de la Cour européenne des droits de l'homme, qui ont condamné à l'unanimité la France le dans cette affaire, sur le fondement de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, protégeant la liberté d'expression[20].

Ainsi, si on peut inciter au boycott, cela ne doit pas constituer une discrimination prévue aux articles 225-1 et 225-2[18] du code pénal. Le boycott paraît, par exemple, licite tant qu'il s'agit, individuellement ou sous l'appel d'une organisation légalement constituée, de ne pas consommer les produits provenant d'une certaine marque affiliée à un groupe industriel, si n'est pas en cause une des discriminations visées par le code pénal.

Suisse[modifier | modifier le code]

Se basant sur le Code civil suisse[21], le Tribunal fédéral a jugé en 1960 que[22] :

« Le boycott viole le droit de la personnalité tendant au libre exercice d'une activité économique ; il est donc en principe illicite. Seul n'agit pas d'une manière contraire au droit celui qui, par le moyen du boycott, défend des intérêts légitimes manifestement prépondérants et qu'il ne peut sauvegarder d'aucune autre manière […] La preuve des motifs justifiant le boycott incombe à l'auteur de celui-ci. »[22]

En 1975, un appel au boycott contre une boucherie à laquelle il était reproché de ne pas respecter les règles d'hygiène et de formation a été jugé illicite[23],[24]. Les personnes affirmaient avoir alerté une autorité sans succès. Selon le tribunal, ils auraient encore dû saisir l'autorité supérieure avant de pouvoir recourir à la menace d'un boycott[23].

Norvège[modifier | modifier le code]

En Norvège, en 2021, un projet de boycott d'une entreprise par des travailleurs a été considéré illégal[11].

Israël[modifier | modifier le code]

L’État d'Israël s'est doté d'une loi anti-boycott[25].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Définitions : index », sur larousse.fr (consulté le )
  2. « Mettre à l'index : Définition simple et facile du dictionnaire », sur linternaute.fr (consulté le )
  3. a b et c « Les pratiques de boycott », sur Les Echos, (consulté le )
  4. Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, , p. 406
  5. a et b Louis Dubouis, « L'embargo dans la pratique contemporaine », Annuaire Français de Droit International, vol. 13, no 1,‎ , p. 99–152 (DOI 10.3406/afdi.1967.1922, lire en ligne, consulté le )
  6. Beaulieu, M.-L. (1958). Le boycottage. Relations industrielles / Industrial, Relations, 13(2), 169–173. https://doi.org/10.7202/1022443ar https://www.erudit.org/fr/revues/ri/1958-v13-n2-ri01155/1022443ar.pdf
  7. Traduction de l'anglais par Francis Goumain, extraits cités dans Feuerzeichen : die « Reichskristallnacht », Anstifter und Brandstifter, Opfer und Nutzniesser (Le point de rupture: la Nuit de Cristal 1938, instigateurs, victimes et bénéficiaires), 1981, Editions Grabert, chapitres 2 et 3.
  8. (en) Omar Barghouti, BDS. Boycott, Divestment, Sanctions : the Global Struggle for Palestinian Rights, Haymarket Books, , 312 p.
  9. (en) Topden Tsering, 'Hands off' isn't enough for Tibet. Dalai Lama stops short of autonomy, site SFgate.com, July 24, 2005 : « (…) Jamyang Norbu, a 51-year-old Tibetan novelist, playwright and activist who is widely seen as the enduring voice of Tibetan independence ».
  10. (en) Jamyang Norbu, Buying the Dragon's Teeth, High Asia Press, 2004, (ISBN 0-9755371-0-5).
  11. a et b La décision déclarant un boycott illégal en vertu du droit de l’EEE n’a pas violé la Convention, Communiqué de presse de la Greffière de la Cour, CEDH 184 (2021), 10.06.2021.
  12. Voir par exemple le film The Corporation.
  13. Une contre-mesure possible pour les entreprises concernées est de s'assurer un degré de contrôle des médias, soit en les possédant, soit en orientant leur budget publicitaire vers ceux qui sont dociles, et d'orienter ce boycott vers leurs principaux concurrents. Voir John Kenneth Galbraith.
  14. Caroline Fourest, Face au boycott. L'entreprise face au défi de la consommation citoyenne, Paris, Dunod, 2005, 176 p.
  15. [Discussion sur le boycott http://linuxfr.org/~fpolux/26209.html]
  16. Le boycott à l’heure du soft power et de la diplomatie d’influence, Carole Gomez, Dans Revue internationale et stratégique 2015/1 (n° 97), pages 119 https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2015-1-page-119.htm, « si l’exemple de l’Afrique du Sud est régulièrement mis en avant, on ne peut accorder au boycott tout le mérite de la fin de l’apartheid. Il n’en fut pas moins un élément déterminant, mais qui doit être analysé dans un contexte bien plus large ».
  17. (en) « La mondialisation n’aime pas les boycotts », sur Telos, (consulté le )
  18. a b et c Section II-II-V-1 du code pénal.
  19. crim. 20 oct. 2015, no 14-80021
  20. « La France condamnée par la CEDH dans l’affaire des appels au boycottage de produits israéliens », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Code civil suisse (CC) du (état le ), RS 210, art. 28.
  22. a et b (de) ATF 86 II 365 du [lire en ligne], consid. 4.
  23. a et b (de) ATF 101 IV 298 du [lire en ligne], consid. 4 p. 302.
  24. Michel Dupuis, Laurent Moreillon, Christophe Piguet, Séverine Berger, Miriam Mazou et Virginie Rodigari, Petit commentaire du Code pénal (CP), Helbing Lichtenhahn, , 2e éd., 2350 p. (ISBN 9783719037901), p. 1198, paragraphe numéro 22 relatif à l'article 181 CP.
  25. Nissim Behar, « Israël décide de «pourrir la vie» d'Amnesty International », sur Libération (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Balsiger, Philip. « Boycott », Olivier Fillieule éd., Dictionnaire des mouvements sociaux. 2e édition mise à jour et augmentée. Presses de Sciences Po, 2020, pp. 86-91.
  • Marc Drillech, Le Boycott : histoire, actualité, perspectives, 2011, Fyp Éditions, (ISBN 9782916571553).
  • Olivier Esteves, Une Histoire populaire du boycott (1880-2005), l'Harmattan, 2006, deux volumes, (ISBN 9782296004269) et (ISBN 9782296004276).
  • Benjamin Ferron , « Boycott et mondialisation », La Vie des idées, 28 octobre 2015. URL: https://laviedesidees.fr/Boycott-et-mondialisation.html
  • Monroe Friedman, Consumer Boycotts. Effective Change through The Marketplace and The Media, New York, Routledge, 1999.
  • Berthold Goldman, « Boycottage », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 octobre 2022. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/boycottage/
  • Carole Gomez, « Le boycott à l’heure du soft power et de la diplomatie d’influence », Revue internationale et stratégique, 2015/1 (n° 97), p. 119-127
  • Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, de 1791-1841, tome 2, Sillery, Septentrion, p. 311-316.
  • Makarem Suzanne C. et JAE Haeran, « Consumer Boycott Behavior: An Exploratory Analysis of Twitter Feeds », Journal of Consumer Affairs, 50 (1), 2016, p. 193-223.
  • Eric Monnin, Christophe Maillard, « Pour une typologie du boycottage aux Jeux olympiques », Relations internationales, 2015/2 (n° 162), p. 173-198.
  • Ingrid Nyström, Patricia Vendramin, Le boycott, Paris, Presses de SciencesPo, 2015
  • Flore Trautman, « Pourquoi boycotter ? Logique collective et expressions individuelles : analyse de systèmes de représentations à partir du cas Danone », Le Mouvement Social, 2004/2 (no 207), p. 39-55.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]