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Entre désirs et tactiques : transactions intimes au sein de l’Entremise Matrimoniale Globalisée

Between Desires and Tactics : Intimate Transactions in International matchmaking
Laure Sizaire

Résumés

L’entremise matrimoniale globalisée, qui met en relation des hommes occidentaux et des femmes non occidentales, se développe depuis les années 1990 et est particulièrement visible sur le web. Sur les sites des agences matrimoniales internationales sont agencés des scénarios intimes basés sur la mise en image du corps des femmes accompagnés de discours sexistes et essentialistes. Ce sont ces scénarios, et non les femmes, qui sont vendus aux clients en tant qu’ils réifient les femmes et alimentent ainsi des fantasmes de possession et de domination masculine. Cet article propose une réflexion sur l’usage stratégique de l’intimité à l’échelle globale où argent et sexualité sont indissociables. Mais si le capital économique donne du pouvoir aux hommes, la sexualité des femmes se constitue également comme un capital qui peut parfois leur permettre de déjouer la domination masculine en prenant appui sur ses propres armes.

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Texte intégral

  • 1 Bonnie Zare et Lily Mendoza, « “Mail-order brides” in popular culture : Colonialist representations (...)
  • 2 Mila Glodava et Richard Onizuka, Mail-Order Brides : Women for Sale, Fort Collins, Alaken, 1994 ; L (...)
  • 3 Gwenola Ricordeau, « À la recherche de la femme idéale… Les stéréotypes de genre et de race dans le (...)
  • 4 Nicole Constable, Romance on Global Stage, Berkeley, University of California Press, 2003 ; Sonja L (...)
  • 5 Laure Sizaire, « S’ouvrir au marché matrimonial globalisé : le cas des femmes russophones », e-Migr (...)
  • 6 Laure Sizaire, « Les agences matrimoniales internationales postsoviétiques : des structures d’oppor (...)
  • 7 Ces représentations sont visibles en particulier dans les productions cinématographiques récentes, (...)
  • 8 Ce terme est employé par les auteures anglophones notamment Nicole Constable, Sonja Luehrmann et Je (...)

1Depuis les années 1990, des agences matrimoniales et des sites internet dédiés aux rencontres internationales se développent. Ces structures favorisent la mise en relation d’hommes généralement occidentaux et de femmes originaires de pays non-occidentaux, notamment d’Asie du Sud-Est, des pays postsoviétiques, d’Amérique Latine ou de certains pays d’Afrique. De nombreux vocables ont été utilisés jusqu’ici pour identifier ces pratiques matrimoniales internationales mais le terme mail-order bride a été, et reste encore, prédominant malgré son caractère sexiste et occidentalocentré1. Traitements médiatiques et recherches académiques ont en effet largement associé le phénomène à une marchandisation des femmes, perçues comme les objets d’un commerce, placées dans des catalogues2. Tous les travaux qui ont analysé les plateformes virtuelles des agences ou des sites de rencontres internationaux s’accordent sur le constat suivant : ces espaces témoignent toujours d’une essentialisation des femmes basée sur des discours sexistes et racialistes3. Néanmoins, des enquêtes ethnographiques conduites auprès des femmes ont ensuite révélé leur capacité d’action, les choix qu’elles opèrent et leur volonté de recourir à ces structures d’opportunités4. Qu’elles soient professionnelles ou adhérentes, ces femmes choisissent de se tourner vers l’étranger pour chercher un conjoint qu’elles estiment de « meilleure qualité5 » ou pour lancer une activité économique en créant des agences matrimoniales internationales6. Requalifier le phénomène s’est donc avéré utile pour se distancier de ces présupposés, profondément ancrés dans le sens commun7, et en restituer la complexité. Au terme anglais de « matchmaking8 », qui signifie littéralement « entremise », ont été adjoints deux qualificatifs : « matrimonial » et « globalisé ». Avec cette nouvelle terminologie, Entremise Matrimoniale Globalisée (EMG), il est possible de saisir à la fois les structures économiques et les plateformes de médiation qui travaillent à rapprocher des individus sur le plan intime et matrimonial mais aussi les femmes et les hommes qui y ont recours.

  • 9 Cet article s’appuie sur ma thèse : Des romances au-delà des frontières. La globalisation genrée du (...)

2L’EMG constitue, en ce sens, une entrée particulièrement intéressante pour saisir les transformations de l’intimité : d’une part, elle nous plonge au cœur du processus contemporain de commercialisation de la vie intime et, d’autre part, elle participe de l’élargissement du choix du conjoint. Celui-ci s’opère aujourd’hui aussi à l’échelle globale et ce déplacement entraîne, dans le cadre de l’EMG, une mise en lumière de rapports de pouvoir logés au cœur de l’intimité. Cet article revient d’abord sur l’émergence d’un paysage mondialisé des échanges intimes pour le resituer au sein des changements importants, en révéler les enjeux et les contours. Les espaces de l’EMG sont ensuite explorés à partir des interfaces virtuelles des agences matrimoniales internationales postsoviétiques. Quels types de scénarios intimes se déploient sur leurs sites ? Sur quels ressorts genrés cette mise en scène de l’intimité s’appuie-t-elle ? Comment ces matérialités intimes sont-elles construites et comprises par les actrices et les acteurs de l’EMG ? Enfin, dans un dernier temps, les pratiques des protagonistes sont analysées : clients français et adhérentes postsoviétiques, comment ont-ils et ont-elles investi les espaces de l’EMG ? Des discours aux pratiques, cet article veut mettre en lumière des transactions intimes globalisées basées sur des idéologies de genre qui activent des désirs – principalement exprimés par les hommes – et génèrent des tactiques – principalement mises en place par les femmes9.

Un paysage mondialisé des échanges intimes

  • 10 Anthony Giddens, La transformation de l’intimité : Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés m (...)
  • 11 Isabelle Berrebi-Hoffmann, « Les métamorphoses de l'intime. Repenser les relations entre le public (...)
  • 12 Mathieu Trachman, Le travail pornographique, La Découverte, 2013 ; Florian Vörös, Les usages sociau (...)
  • 13 Dominique Melh, « La télévision de l’intimité », Le Temps des médias, 10, 1, 2008, p. 265-279.
  • 14 La notion est empruntée à l’économiste Karl Polyani et fait référence à l’autonomisation de certain (...)
  • 15 Marie Bergström, Les nouvelles lois de l’amour, Paris, La Découverte, 2019, p. 13.
  • 16 Illouz, Pourquoi l’amour fait mal…, op. cit., p. 83-84.
  • 17 Cette notion permet d’envisager le continuum des échanges économico-sexuels sous un autre angle que (...)
  • 18 Chez Lévi-Strauss, l’échange restreint décrit tous les systèmes où les mariages ont lieu entre deux (...)
  • 19 Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », Études rurales, 1, 5, 1962, p. 31-135.
  • 20 Pierre Bourdieu, « Reproduction interdite. La dimension symbolique de la domination économique », É (...)
  • 21 Ibid., p. 23.
  • 22 Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Pa (...)
  • 23 Ce suffixe concept -scape (paysage en français), forgé par l’anthropologue Arjun Appadurai, permet (...)
  • 24 La notion de régime de genre est empruntée à Raewyn Connell ; elle permet de réaliser un inventaire (...)
  • 25 Les hommes occidentaux s’engagent plutôt dans des relations avec des femmes originaires de pays pos (...)
  • 26 Giddens, La transformation…, op. cit., p. 10 et p. 170.
  • 27 L’amour convergent « présuppose l’égalité la plus stricte en termes de donation et de réception émo (...)
  • 28 Emmanuelle Santelli, « L’amour conjugal, ou parvenir à se réaliser dans le couple. Réflexions théor (...)

3Si les métamorphoses de l’intimité intéressent vivement la recherche sociologique10, c’est que, depuis les années 1960, les frontières entre la sphère privée – dans laquelle était logée l’intimité familiale, conjugale, amicale, sexuelle – et la sphère publique se sont redéfinies11. De ce fait, l’intime, jusque-là maintenu à l’abri des regards, s’est immiscé dans des espaces exposés, au contraire, à la vue de tous et toutes. On peut penser à la pornographie12 mais également à la télé-réalité13 qui autorisent, à partir d’une médiation audiovisuelle, à observer et à plonger dans des séquences d’intimité mises en scène. Les corps, les émotions, la sexualité sont devenus des objets publics placés sur le marché économique. Ainsi, nous assistons d’une part à une exhibition croissante de l’intimité et, d’autre part, à sa commercialisation. L’EMG repose sur ce double processus mais le phénomène s’inscrit aussi dans le « désencastrement14 » du choix et de la rencontre amoureuse. Marie Bergström a en effet mis en lumière, à partir de ses travaux sur les rencontres en ligne, une « double privatisation de la rencontre ». À la fois sociale et économique, elle permet tout d’abord aux individus d’isoler des expériences amoureuses et sexuelles de leur environnement immédiat mais elle témoigne également d’une extension du marché à la rencontre et du développement d’un « entrepreneuriat de l’intime15 ». Pour Eva Illouz, ce sont les critères de sélection amoureux qui se sont transformés. Ils se sont multipliés et peuvent « désormais être échangés et négociés16 » sur un marché des rencontres autorégulé et un capital, auparavant moins rentable sur le marché matrimonial, a pris une ampleur, selon l’auteure, sans précédent : le capital sexuel17. Cette dernière analyse rejoint les résultats d’une enquête plus ancienne conduite par Pierre Bourdieu sur le célibat des paysans béarnais dans laquelle il met en exergue la disparition de l’échange restreint18 au profit du « libre choix » du conjoint. Si autrefois, « c’est la famille qui mariait et l’on se mariait avec une famille19 », répondant aux normes et aux intérêts du groupe, ce sont aujourd’hui « les personnes, avec toutes leurs propriétés sociales, qui sont concrètement mises à prix20 ». Cette transformation a entraîné une chute de la valeur sociale des paysans sur le marché matrimonial local tandis que les femmes de ces régions se sont tournées vers d’autres candidats, notamment citadins, désormais accessibles, en raison d’un élargissement des limites de l’aire sociale de recrutement du conjoint. Un demi-siècle plus tard, le dépassement de ces limites a pris une envergure internationale et il répond à une même logique : celle de l’unification du marché des biens symboliques, donc du marché matrimonial, soumis désormais à la loi de l’offre et de la demande bien que toujours modéré par l’homogamie. Depuis les années 1990, la chute de l’Union soviétique, l’avènement d’un capitalisme global ainsi que l’introduction de nouvelles technologies de communication ont généralisé cette unification et l’attrait urbain que Bourdieu identifiait alors chez les jeunes femmes paysannes peut se lire aujourd’hui de façon identique chez les migrant·es internationaux·les, séduit·es par les pays occidentaux et les promesses dont ils sont porteurs (économiques, sociales, démocratiques). Mais cet attrait n’aurait pas une telle envergure si « la comparaison, comme acte conscient ou inconscient de mise en relation » n’était pas devenue « possible et socialement acceptable21 ». Cette capacité à comparer les mondes existants et à imaginer des vies possibles ailleurs a été conceptualisée par Arjun Appadurai qui, à travers une analyse de la globalisation pensée à partir de ces flux culturels, a mis en lumière le nouveau pouvoir de l’imagination dans la fabrication des vies sociales22. Ces deux analyses associées, celle de l’unification du marché des biens symboliques qui s’est accélérée et généralisée à partir des années 1990 et celle d’une intensification de la circulation (des individu·es, des marchandises, des images et des idées), permettent de penser le développement d’un paysage mondialisé des échanges intimes (intimescape23). Alors que les nouvelles modalités de rencontre et de choix du conjoint opèrent aujourd’hui à l’échelle globale, comme l’EMG en témoigne, les transformations de l’intimité sont encore rarement abordées à partir d’une analyse transnationale et portent plus souvent sur le monde occidental. Pourtant, l’étude des intimités transnationales, parce qu’elles mettent en jeu des actrices et des acteurs né·es et socialisé·es dans des pays différents, permet de saisir l’existence de régimes de genre et de régimes d’intimité24 historiquement et géographiquement situés. « N’importe qui ne noue pas de relations intimes avec n’importe qui » à l’échelle globale25 : ces relations intimes sont genrées et caractérisées par des rapports de pouvoir multiples (de genre, de classe, d’âge, de race, de nationalité, de mobilité) dont la visibilité est exacerbée par la situation économique des pays d’origine des individus. Les travaux sur les intimités transnationales mettent ainsi en exergue l’existence de relations intimes qui sont bien loin de l’idéal de la « relation pure » formulé par Anthony Giddens au sujet des sociétés occidentales qu’il définit comme « une relation de stricte égalité sexuelle et émotionnelle » dont la spécificité « est que chacun des deux partenaires a la possibilité d’y mettre fin délibérément, à n’importe quel moment26 ». Mais des recherches récentes montrent également que, dans la société française, « amour convergent27 » et « amour romantique » continuent à coexister notamment en raison d’inégalités de genre persistantes28. Caractérisées par des inégalités plus profondes, mais en aucun cas inédites, les intimités transnationales s’inscrivent dans des mutations qui se produisent aujourd’hui à l’échelle globale et l’EMG constitue en cela un point d’entrée pour les documenter. Commençons par les espaces les plus visibles de l’EMG – les sites internet des agences matrimoniales internationales – où se déploie un usage stratégique de l’intimité et d’idéologies de genre.

Scénarisations de l’intimité et idéologies genrées au service de l’entremise matrimoniale globalisée

« La femme russe est jolie, de bonne moralité, fidèle, féminine, douce et dévouée, cultivée, attentionnée et d’un caractère souple. […] La femme russe privilégie avant tout la réussite de sa vie sentimentale et est prête à quitter son pays pour trouver son Amour à l’étranger, en particulier en France29. »

  • 30 Selon Sarah Mazouz, le concept de racialisation permet de « rendre compte de la production de group (...)
  • 31 Dans sa thèse, Marie Bergström a distingué deux scénarios sur les sites de rencontres français, les (...)

4Cet extrait du site d’une agence matrimoniale internationale fondée en 1992 par une femme russe mariée avec un homme français illustre un discours racialiste30, sexiste et essentialiste présent sur toutes les plateformes de l’EMG. En effet, dans l’architecture des sites, on trouve toujours un onglet dédié à « la femme russe » ou aux « femmes slaves » qui permet de prouver l’expertise de l’agence sur la « nature » et les motivations de ses adhérentes. « Douces », « féminines », « attentionnées », elles souhaitent se marier et fonder une famille : les agences matrimoniales internationales proposent ainsi des « rencontres sérieuses » avec des « femmes sérieuses » et, pour asseoir ce « sérieux », elles mobilisent un champ lexical qui fait référence à la conjugalité et la famille. Elles promettent à leurs clients de les aider à réaliser leur rêve d’accéder à une « union stable » et à une « vie sentimentale heureuse et durable ». Mais dans le même temps, les plateformes utilisent des codes visuels qui s’apparentent aux sites « libertins31 » français : les pages d’accueil, sur fonds roses ou mauves, mettent en scène des femmes le plus souvent seules, parfois dans des postures suggestives. Rares sont en effet les sites d’agences qui montrent sur leurs pages d’accueil des couples ; la plupart présente plutôt leurs adhérentes, aussi appelées en anglais « ladies », ou en russe « devuški » [jeunes filles] ; celles qui sont mises en avant sont plutôt jeunes, minces, habillées en robes, épaules nues, toujours souriantes (illustration 1).

Illustration 1. Pages d’accueil des sites d’agences matrimoniales internationales

Illustration 1. Pages d’accueil des sites d’agences matrimoniales internationales

Source : Images tirées des sites marriagebynatali.com, lepontdelamour.fr, agencematrimonialeparis.com, inter-mariage.com [consultées entre février 2013 et janvier 2019].

  • 32 Illouz, La fin de l’amour…, op. cit., p. 149.
  • 33 Cette expression est inspirée du travail de Mathieu Trachman qui identifie les pornographes (réalis (...)

5En cela, l’EMG rompt avec la distinction symbolique présente sur les sites de rencontre en ligne français : sexe et amour ne sont pas dissociés. Pour une raison simple, ces espaces virtuels s’adressent à de potentiels clients, des hommes occidentaux qu’il s’agit de séduire ; « le corps sexuel féminin » fonctionne ainsi comme « une marchandise visuelle pour la consommation du regard masculin32 ». Entrepreneuses de l’intime, les professionnelles de ce secteur se font également entrepreneuses de fantasmes33 qu’elles travaillent en jouant sur les codes et en transformant les femmes en objets de désirs masculins. La scénarisation des sites de l’EMG produit ainsi des femmes fantasmatiques : à mi-chemin entre la figure de l’épouse et de la prostituée. Les propos de Jérôme, inscrits sur un site de rencontres avec des femmes ukrainiennes, révèlent cette ambiguïté.

  • 34 Jérôme, 35 ans, divorcé, deux enfants, chef d’entreprise, inscrit sur un site de rencontre internat (...)

« Je crois qu’à l’époque j’ai pas dû continuer parce que j’avais vu que c’était payant et là je me suis dit, faut que je passe à autre chose, il faut que je rencontre du monde, j’ai retrouvé le mail d’inscription, puis allez c’est pas grave, mais c’est bon si tu payes, avec toutes les arnaques qui doit y avoir sur tous les sites tu t’en sors plus, j’ai jamais payé pour rencontrer quelqu’un c’est, c’est comme les mecs qui vont faire du tourisme sexuel, quel intérêt de donner 1000 euros à quelqu’un, même 50 euros, c’est bon, tu vas dans un club et puis tu dragues une nana et c’est pareil, tu lui payes juste un verre au moins c’est plus clean, tu vois, parce que sinon si tu files de la tune à quelqu’un, enfin faut avoir l’habitude quoi… en plus elle te fait pas chier, après elle te rappelle pas tous les jours. Après quoi ? Autant aller voir une pute parce que au moins elle te fait pas chier, elle te rappelle pas tous les jours, si c’est juste pour tirer ton coup tu vas voir une pute, y a pas besoin d’aller en Ukraine payer 50 ou 500 euros pour tirer ton coup parce que, de toute façon, après ils vont pas avoir de relation avec elles, et heu, non j’ai pas besoin de ça. Mais du coup tu as quand même voulu t’inscrire sur un site de rencontre avec des femmes ukrainiennes ? Je vais te dire, j’ai 34 ans, d’accord, j’ai 34 ans, j’ai deux enfants […] je veux qu’ils gardent toujours, c’est important pour leur équilibre selon moi, un repère homme femme à la maison même si c’est pas leur mère, il faut qu’il y ait un repère homme femme à la maison, pour qu’ils grandissent toujours avec ce repère34. »

6Jérôme associe librement les sites de rencontre au tourisme sexuel et à la prostitution tout en expliquant aussi qu’il cherche une femme qui puisse remplir les fonctions d’épouse et de mère de substitution pour respecter un modèle binaire de parentalité. Il précise, plus loin, qu’il n’a plus l’âge pour « faire la bamboula en boite ». Autrement dit, il se détourne des espaces où l’échange économico-sexuel est euphémisé pour investir celui de l’EMG où il est plus clairement établi. En ce sens, les espaces de l’EMG s’appuient sur des idéologies de genre où les rôles féminins et masculins sont étroitement définis. La sexualité des femmes, dans le cadre du mariage, implique que les hommes assument un rôle de pourvoyeur économique.

  • 35 Aliona, 35 ans, directrice d’une agence à Kiev ouverte en 2003, entretien conduit en 2013 à Kiev.

« Et les femmes ont donc compris qu’il y avait une très dure compétition et se sont faites belles [rire], parce qu’une famille est basée sur la stabilité et, hum, la stabilité financière en premier, elles cherchent un homme qui peut subvenir aux besoins, quand une femme cherche à construire une famille, elles cherchent un homme qui peut subvenir aux besoins de la famille, ok ? Quand vous cherchez seulement du sexe, vous cherchez un homme attrayant mais quand vous cherchez une vie de famille, vous cherchez quelqu’un qui peut vous faire vivre ! Mais ce sont des règles universelles, partout dans le monde, c’est la nature des êtres humains !35 »

  • 36 Bergström, Au bonheur des rencontres…, op. cit.
  • 37 Paola Tabet, La grande arnaque : Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmatt (...)
  • 38 Elena Mezentseva, « “Renaissance patriarcale” et travail féminin en Russie moderne », Les Cahiers d (...)
  • 39 En témoignent de nombreux livres publiés à partir des années 2000 sur les moyens d’épouser un homme (...)

7Cette directrice d’agence opère une distinction intéressante entre échange sexuel et échange matrimonial. Les critères de sélection, selon elle, diffèrent. Dans le premier cas, le choix des femmes se porte sur une attraction physique, dans le second, sur des considérations matérielles : cet homme sera-t-il en mesure de subvenir aux besoins d’une future famille ? L’échange matrimonial implique donc un échange économico-sexuel explicite. Si le marché de la rencontre français repose également sur une vision différentialiste de la sexualité des hommes et des femmes36, cette dynamique est plus franche dans les espaces de l’EMG : la sexualité des femmes est objectivement considérée comme un capital. Représentation somme toute classique, comme les travaux de Paola Tabet l’ont montré : dans de nombreuses sociétés, le sexe des femmes est explicitement perçu comme une monnaie d’échange, la seule dont elles disposent en raison d’un accès inégal aux ressources économiques et symboliques, qu’elles négocient généralement dans le cadre du mariage hétérosexuel37. À la chute de l’Union Soviétique, l’introduction brutale des normes capitalistes s’est associée à une « renaissance patriarcale38 » et la sexualité des femmes a rapidement été présentée comme leur principal atout de réussite dans la vie39.

  • 40 Elena Zdravomyslova et Anna Temkina, « Gendered citizenship in Soviet and Post-Soviet societies » i (...)

« Sexualised femininity as a hegemonic discourse is brought about by the commodification of sexuality, by which we mean the conversion of sexuality into a commodity. The commodification of sexuality expresses itself in the most diverse ways, from pornography and prostitution to marriage for material gain. The life chances of women are linked to her sexual attractiveness, which may be exchanged for social benefits and prestigious consumptions as a result of a “good deal”40. »

  • 41 Les marchés scopiques sont des marchés où « la valeur est créée par la valorisation d’images de cor (...)
  • 42 Illouz, La fin de l’amour…, op. cit. Voir notamment le chapitre IV « Le capitalisme scopique et l’é (...)
  • 43 Les travaux de Holly Porteous montrent qu’à partir des années 1990 sont introduits des produits du (...)

8L’exploitation du corps et de la sexualité des femmes dans l’économie de l’EMG est donc centrale, d’autant plus parce que les professionnelles du secteur et les adhérentes s’en saisissent. En cela, elles s’insèrent sur les marchés scopiques41 du capitalisme où la sexualisation des corps, en particulier celui des femmes, et sa mise en image sont devenues une marchandise, quelque chose de monnayable, une source de plus-value à condition que ces corps répondent aux normes des canons de beauté de la société de consommation42. Parmi ces normes, le « sex-appeal » est devenu un attribut stratégique sur le marché de la rencontre car, contrairement à la beauté, il est le résultat d’un travail esthétique qui répond souvent à une mise en conformité du corps sexualisé féminin pour le regard masculin43.

  • 44 Luehrmann, « Mediated marriage… », op. cit., p. 871.
  • 45 Johnson, Dreaming of…, op. cit., p. 51.

9Ainsi, les images érotisées des catalogues des agences sont souvent produites avec l’aide des professionnelles de l’EMG qui, conscientes des impératifs du marché à la fois économique, sexuel et matrimonial, donnent des conseils à leurs adhérentes pour rentabiliser cette exposition de leur intimité. Les conseils visent à augmenter leur « désirabilité sexuelle », en leur suggérant de porter des robes44 et d’arborer leur plus beau sourire sur les photographies afin d’être « repérées45 ». Les professionnelles de l’EMG reconduisent ainsi des normes en matière de comportement et de présentation de soi, en contrôlant la mise en scène de la sexualité des femmes et en cherchant à la rendre conforme à des stéréotypes de genre. Lorsqu’une adhérente cherche à se démarquer, elle peut ainsi être jugée négativement pour son écart à la norme comme l’exemple suivant l’illustre.

  • 46 Extrait du journal de terrain correspondant à une observation participante effectuée de février à a (...)

« En fin de journée, la directrice regarde les photographies de ses adhérentes avec sa secrétaire et elle me demande, en me montrant les photographies de l’une d’entre elles : "Laure, pensez-vous qu’un homme puisse vouloir d’elle pour le mariage ?". Je regarde les photographies et réponds que oui, pourquoi pas. Cette femme a une coupe de cheveux à la garçonne blond platine et est vêtue d’une longue robe noire seyante. Elle adopte des postures assez originales et un regard franc, elle détonne en effet par rapport aux autres profils d’adhérentes. La directrice me dit que je suis vraiment gentille, que toutes ont leur chance avec moi, mais que celle-là est journaliste et trop excentrique pour le mariage46. »

  • 47 Erving Goffman, « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, 1, (...)

10Cette femme n’affiche pas la féminité policée requise « pour le mariage » selon cette directrice d’agence. Ses cheveux courts et sa profession témoignent probablement d’une indépendance qui dénote avec « l’hyper-ritualisation47 » d’une sexualité et d’une intimité dévoilées, mises en scène et au service des clients. Mais quel usage font alors les femmes elles-mêmes de cette sexualité, de leurs images, de leurs corps dans le cadre de l’EMG ? Les hommes accèdent-ils à ces femmes fantasmées ou restent-elles des chimères ? Comment cette intimité exhibée associée à des discours sexistes est-elle ensuite négociée dans les interactions intimes ?

Des hommes dupes et des femmes habiles ?

  • 48 Synopsis d’un reportage du magazine Sept à Huit diffusé sur TF1 en 2015, « Jean-Sébastien, “pigeon” (...)

« Pendant trois mois, Jean-Sébastien a communiqué avec une jeune femme originaire d’Ukraine en pensant vivre une belle histoire d’amour. L’agence matrimoniale responsable de leur rencontre l’aurait en fait escroqué en lui faisant prendre une formule à 3.850 euros par an alors qu’il ne touche que 800 euros par mois d’allocation48. »

  • 49 Gilles de Maistre, Escroqueries sentimentales, mode d'emploi (2015) relayé par France 5, ou la séri (...)
  • 50 L’émission C’est ma vie sur M6 a diffusé un épisode intitulé « J’ai trouvé l’amour en Russie » mett (...)

11En 2015, la chaîne télévisée TF1 diffusa une émission consacrée aux pratiques frauduleuses de l’agence matrimoniale Eurochallenges en s’appuyant sur l’histoire de Jean-Sébastien, un homme d’une quarantaine d’années atteint d’un trouble bipolaire, qui a entretenu une relation épistolaire avec une adhérente de l’agence sans jamais la rencontrer. Depuis, de nombreux reportages se sont emparés du sujet49 et mettent en garde contre les « arnaques à l’amour », les « sextorsions », ou les « escroqueries sentimentales ». Parallèlement, une médiatisation croissante d’histoires intimes de couples franco-postsoviétiques donne à voir des hommes français et des femmes ukrainiennes, russes ou bélarusses qui s’engagent dans une relation matrimoniale via une agence pour reconstruire leur vie50. Ces deux narrations mises en image montrent ainsi deux issues fort différentes, mais l’une comme l’autre, alimentent l’imaginaire des hommes français comme les propos de Christophe l’illustrent.

  • 51 Christophe, 40 ans, divorcé deux fois, deux enfants du premier mariage, cadre commercial, inscrit s (...)

« J’avais pu voir cette émission, je serais incapable de vous donner le titre mais peu importe mais globalement voilà c’était ça, et j’ai un peu regardé, en même temps c’est un secret de polichinelle, tout le monde sait que a priori…on peut avoir une… enfin envie de rencontrer… enfin, ou en tout cas que c’est un marché qui existe quoi. [silence] Secret de polichinelle vis-à-vis de qui ? Vis-à-vis de tout le monde, enfin tout le monde sait que globalement, y a a priori des femmes slaves qui sont prêtes à… enfin ou qui sont en tout cas en recherche, donc voilà, et après, enfin voilà, quand vous avez envie a priori, de trouver chaussure à votre pied, vous élargissez votre… [silence], terrain de chasse, on peut dire ça comme ça, en tout cas vous élargissez les opportunités51. »

  • 52 Il a témoigné anonymement dans un reportage du magazine Sept à Huit, diffusé sur TF1 en 2015, intit (...)
  • 53 Eurochallenges a fait l’objet de nombreuses plaintes d’anciens clients qui ont conduit à la fermetu (...)
  • 54 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 27.
  • 55 Beaucoup d’hommes ne sont néanmoins pas dupes et ils identifient rapidement des démarches, dans le (...)
  • 56 Bourdieu, La domination…, op. cit., p. 73.
  • 57 Pierre Bourdieu, Choses dites, Paris, Éditions de Minuit, 1987, p. 79.
  • 58 Luehrmann, « Mediated marriage… », op. cit. ; Galina Kobraleva, Natalia Antonova et Maria Guerassim (...)
  • 59 Bien que les agences matrimoniales internationales ne soient pas des institutions totales comme cel (...)
  • 60 Bourdieu, La domination…, op. cit. p. 49.
  • 61 Abel, 37 ans, chef d’entreprise, inscrit sur un site de rencontre international depuis quelques ann (...)
  • 62 Illouz, Pourquoi..., op. cit., p. 78.
  • 63 Voir pour des exemples d’usage primaire des agences, Sizaire, « S’ouvrir au… », art. cit. ; et pour (...)

12La possibilité « d’élargir les opportunités » au-delà des frontières est ainsi une connaissance partagée, transmise notamment à travers des reportages télévisés qui mettent en scène des hommes français partis à la rencontre de jeunes femmes « slaves ». Christophe prend conscience de l’existence d’un « marché matrimonial parallèle » et, en faisant spécifiquement référence au « marché » et à un « terrain de chasse », il se positionne en consommateur et en prédateur. Néanmoins, à partir de l’exemple de Jean-Sébastien, il apparaît que les hommes engagés dans l’EMG sont aussi susceptibles de devenir eux-mêmes les proies du marché matrimonial globalisé. S’ils sont bien les consommateurs de l’image du corps des femmes et de l’argumentaire commercial de l’EMG, ils peuvent également devenir dupes de relations avant tout économiques alors qu’ils les imaginent intimes. Prenons le cas de Frantz52, un ancien client d’Eurochallenges qui a porté plainte contre l’agence53. Ouvrier de métier, il engage une correspondance par mail avec une jeune femme ukrainienne de 32 ans qui lui envoie des photographies érotisées et des messages manifestant son intérêt pour lui (« je pense à toi », « tu es l’homme que je recherche »). Frantz décide d’aller la rencontrer en Ukraine mais, alors qu’il pense être accueilli par cette jeune femme à l’aéroport, c’est une interprète de l’agence qui l’attend. Il la rencontre néanmoins le soir même dans un restaurant mais « elle ne voulait même pas lui faire la bise », malgré les « 75 lettres échangées » elle lui pose des questions qui ne laissent aucun doute à Frantz : elle n’est pas celle avec qui il a correspondu. Elle « était pressée » et, à peine le dîner terminé, « elle voulait déjà rentrer ». Elle prend les cadeaux que Frantz lui a apportés et elle s’éclipse. Terriblement déçu, il écourte un voyage de deux jours qui lui aura néanmoins coûté presque 1 200 euros en frais de restauration, d’interprétariat, de location d’appartement et de fleurs pour la jeune femme. Au moment du reportage, Franz résume cette expérience ainsi : « Je me suis fait vraiment avoir quoi ». Dans le cadre de l’EMG, certaines femmes s’appuient ainsi sur le « désir masculin comme désir de possession » tout en se dégageant ensuite du « désir féminin, comme désir de la domination masculine54 ». Elles se soustraient à la domination en empêchant la conquête sexuelle masculine d’avoir lieu alors même que la définition de la situation, pour Frantz, était celle d’une relation intime basée sur un échange économico-sexuel (inscription sur le site, paiement des lettres, restaurant, cadeaux, etc.). En définitive, cette femme, comme d’autres, échappe à la contrepartie attendue : celle de transformer leur sexualité en sexualité de service ; seule la sexualisation de leurs corps mise en scène dans des images et leur capital érotique auront alors été échangés55. Les femmes agissent ainsi dans l’EMG conformément aux règles de la domination masculine en se positionnant comme des objets symboliques, « objets accueillants, attrayants, disponibles56 », en offrant leur image et parfois leur corps dans le cadre d’un dîner, mais, aussi conformes à la règle soient-elles, elles poursuivent parfois d’autres intérêts que ceux qu’elles affichent, elles peuvent ne pas être à la recherche d’une union matrimoniale mais exercer une activité professionnelle à partir de leur capital sexuel international. Ces pratiques se rattachent à des stratégies de double jeu « consistant à se mettre en règle, à mettre le droit de son côté, à agir conformément à des intérêts tout en se donnant les airs d’obéir à la règle57 ». Même si les recherches ont déjà montré que le projet matrimonial est souvent prépondérant dans l’engagement des femmes de l’EMG58, les frontières sont ténues entre les différents usages que l’on peut qualifier de « primaires » et de « secondaires59 ». Les femmes gravitant autour de l’industrie de l’EMG s’appuient en réalité sur la mobilisation d’un capital sexuel et marital ainsi que sur leur confinement dans un rôle de genre essentialisant (où leur but premier serait donc de se marier et de fonder une famille) pour poursuivre des objectifs variés – dont celui de se marier peut faire partie – et, parfois, détourner l’usage officiel des agences matrimoniales internationales. En se plaçant comme des « objets d’échange », notamment par la mise en scène de leur corps sur les sites, les femmes de l’EMG donnent à voir et à croire qu’elles sont définies et se définissent elles-mêmes « conformément aux intérêts masculins ». Mais loin de « contribuer à la reproduction du capital symbolique des hommes60 », elles jouent sur cette illusion pour développer une économie basée sur des espérances masculines de relations intimes, allant de l’épistolaire au dîner aux chandelles en passant par l’ouverture d’une agence matrimoniale. Le récit d’Abel, un chef d’entreprise de 37 ans inscrit sur un site de rencontre international gratuit, éclaire les tactiques déployées par certaines femmes qui mobilisent leur capital sexuel pour accéder à des biens prestigieux – objets ou activités sociales onéreuses – et les croyances qui animent les clients de l’EMG. Lors d’un séjour à Kiev, Abel a rencontré des hommes inscrits dans des agences matrimoniales qui dépensaient des milliers d’euros pour une simple prise en charge de leur voyage, la traduction de leurs correspondances et un interprétariat sur place. Il m’explique avoir tenté de les raisonner en leur expliquant qu’ils faisaient « marcher ce business en montrant leur vide affectif et qu’ils se faisaient arnaquer61 » mais ses paroles n’eurent apparemment que peu d’impact sur ces hommes. Ils préféraient en effet continuer à croire que l’EMG leur offrirait ce qu’ils cherchaient : un accès à des femmes jeunes et sexy contre leur pouvoir économique. Lui-même a fait quelques rencontres à l’aide des sites mais toutes ont pris une tournure désagréable : la femme qu’il rencontrait, parfois accompagnée d’une amie, l’emmenait immédiatement dans un restaurant et commandait pour des sommes conséquentes sans que la relation se poursuive ensuite. Il a aussi fait connaissance avec des jeunes femmes dans les rues de Kiev, dont une avec laquelle il a sympathisé mais, au cours du second rendez-vous, elle l’aurait conduit dans un magasin de vêtements en désignant tout ce qui lui plaisait jusqu’à ce qu’Abel s’exclame : « mais tu crois que je suis un saoudien ? ! ». L’exemple d’Abel n’est pas un cas unique. Les femmes postsoviétiques tirent leur épingle du jeu en s’appuyant sur les armes de la domination masculine et sur les normes d’un capitalisme scopique. Leur capital sexuel se présente bien comme un « attribut stratégique62 » qui leur permet de se placer sur le marché matrimonial globalisé pour poursuivre des objectifs variés : travailler, développer une activité économique, obtenir des biens prestigieux, accéder au mariage, ou développer leur capacité mobile63.

Conclusion

  • 64 Michel de Certeau, L’invention du quotidien – Volume 1, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, p. 6 (...)
  • 65 Ibid., p. 60.

13L’économie de l’EMG repose sur un scénario qui met en scène des corps féminins érotisés accompagnés de discours sexistes et essentialistes. Ces deux techniques réunies réifient les femmes et les transforment en objets de désir à la fois par le processus de sexualisation et par une rhétorique de division asymétrique des sexes qui alimentent des espoirs masculins de possession du corps et de la sexualité des femmes. Ce sont ces espérances qui poussent nombre d’hommes sur les routes des pays postsoviétiques à la recherche de femmes jeunes, dépendantes et conciliantes. Ces plateformes se positionnent en effet comme des réponses à la souffrance amoureuse masculine, causée par les « dommages » du féminisme, en proposant des femmes qui privilégient avant tout leur « féminité » et leur « vie affective » tout en mélangeant les codes, sexe et amour se confondent et alimentent les fantasmes de possession et de domination masculine. En ce sens, cette mise en scène montre comment les femmes postsoviétiques sont contraintes de constituer leur sexualité comme une « monnaie d’échange », mais certaines, comme on a pu le voir, arrivent à se soustraire à l’échange économico-sexuel et à contourner la domination masculine. Bien que l’EMG s’appuie sur des idéologies genrées qui transforment les femmes en proies et les hommes en prédateurs, la résistance des adhérentes et leur « puissance d’agir » restent toutefois visibles dans leur capacité à échapper à des rôles assignés tout en s’appuyant sur l’ordre de genre. Ainsi, même si les femmes se positionnent comme des objets symboliques, ce sont souvent elles qui mènent la danse ; elles circulent peut-être moins qu’elles ne font circuler les capitaux économiques des hommes en utilisant leur image ou leur corps. À l’image des tactiques définies par Michel de Certeau, elles investissent les « failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire64 ». Dans la conjoncture de régimes de genre contraignants, les femmes trouvent des interstices où elles peuvent ruser et « jouer sur le terrain qui [leur] est imposé65 ».

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Notes

1 Bonnie Zare et Lily Mendoza, « “Mail-order brides” in popular culture : Colonialist representations and absent discourse », International Journal of Cultural Studies, 4, 15, 2011, p. 365-381.

2 Mila Glodava et Richard Onizuka, Mail-Order Brides : Women for Sale, Fort Collins, Alaken, 1994 ; Louise Langevin et Marie-Claire Belleau, Le trafic des femmes au Canada : une analyse critique du cadre juridique de l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes et de la pratique des promises par correspondance, Ottawa, Condition féminine Canada, 2000.

3 Gwenola Ricordeau, « À la recherche de la femme idéale… Les stéréotypes de genre et de race dans le commerce de “promises par correspondance” », Genre, sexualité & société, [En ligne], 5, 2011, consulté le 31 août 2020, URL : http://journals.openedition.org.bibelec.univ-lyon2.fr/gss/1969, DOI : https://doi-org.bibelec.univ-lyon2.fr/10.4000/gss.1969.

4 Nicole Constable, Romance on Global Stage, Berkeley, University of California Press, 2003 ; Sonja Luehrmann, « Mediated marriage : internet matchmaking in provincial Russia », Europe-Asia Studies, 56, 6, 2004, p. 857‑875 ; Ericka Johnson, Dreaming of a Mail-Order Husband : Russian-American Internet Romance, Durham, Duke University Press Books, 2007 ; Jennifer Patico, « Kinship and Crisis : The Embedding of Economic Pressures and Gender Ideals in Postsocialist International Matchmaking », Slavic Review, 2010, 1, 69, p. 16‑41 ; Gwenola Ricordeau, « Devenir une First World Woman  : stratégies migratoires et migrations par le mariage », SociologieS, [En ligne], Dossiers, Amours Transi(t)s. Transactions sexuelles au prisme de la migration, consulté le 29 janvier 2017. URL : http://sociologies.revues.org/3908.

5 Laure Sizaire, « S’ouvrir au marché matrimonial globalisé : le cas des femmes russophones », e-Migrinter, 14, 2016, [en ligne], 14, 2016, consulté le 31 août 2020, URL : http://journals.openedition.org.bibelec.univ-lyon2.fr/e-migrinter/706, DOI : https://doi-org.bibelec.univ-lyon2.fr/10.4000/e-migrinter.706

6 Laure Sizaire, « Les agences matrimoniales internationales postsoviétiques : des structures d’opportunité féminines au cœur des régimes de genre », Cahiers du Genre, 1, 64, 2018, p. 85-104.

7 Ces représentations sont visibles en particulier dans les productions cinématographiques récentes, nord-américaines et françaises. Pour des exemples, voir par exemple : Snezana Mijailovic, « Les représentations des couples franco-étrangers dans le cinéma français : des années 1990 à nos jours », Diversité Urbaine, 2, 13, 2013, p. 49-65 ; Laure Sizaire et Gwenola Ricordeau, « “C’était une femme à qui il fallait un époux et lui un homme qui voulait une épouse…”. Les représentations filmographiques des mariages par correspondance », Genre, sexualité & société, [En ligne], 14, 2015, consulté le 01 décembre 2018, URL : http://journals.openedition.org/gss/3647, DOI : 10.4000/gss.364.

8 Ce terme est employé par les auteures anglophones notamment Nicole Constable, Sonja Luehrmann et Jennifer Patico.

9 Cet article s’appuie sur ma thèse : Des romances au-delà des frontières. La globalisation genrée du marché matrimonial : échanges intimes, expériences migratoires et réflexivités sur le genre dans les conjugalités franco-postsoviétiques (1990-2015). Cette recherche a été menée à partir de plusieurs enquêtes sur l’EMG notamment dans neuf agences matrimoniales en Russie (4), en Ukraine (3) et au Belarus (2) ; 16 entretiens ont été conduits avec des professionnelles de l’EMG ; 21 entretiens ont été réalisés avec des femmes et 13 avec des hommes engagé·e·s (ou l’ayant été) dans l’EMG. Parallèlement, une ethnographie en ligne a été menée notamment sur les contenus des sites internet de 22 agences et sur des matériaux secondaires tels que les nombreux reportages télévisés consacrés à l’EMG.

10 Anthony Giddens, La transformation de l’intimité : Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Paris, Hachette Littérature, 2006 ; Ulrich Beck et Elisabeth Beck-Gernsheim, The Normal Chaos of Love, Cambridge, Polity Press, 1995 ; Arlie Hochschild, The Commercialization of Intimate Life, London, University of California Press, 2003 ; Eva Illouz, Les sentiments du capitalisme, Paris, Seuil, 2006 ; Idem, Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité, Seuil, 2012 ; Idem, La fin de l’amour, Paris, Seuil, 2020 ; Michel Bozon, Pratique de l’amour : Le plaisir et l’inquiétude, Paris, Payot, 2016.

11 Isabelle Berrebi-Hoffmann, « Les métamorphoses de l'intime. Repenser les relations entre le public et le privé au travail », Empan, 77, 1, 2010, p. 13-17.

12 Mathieu Trachman, Le travail pornographique, La Découverte, 2013 ; Florian Vörös, Les usages sociaux de la pornographie en ligne et les constructions de la masculinité : une sociologie matérialiste de la réception des médias, Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2015.

13 Dominique Melh, « La télévision de l’intimité », Le Temps des médias, 10, 1, 2008, p. 265-279.

14 La notion est empruntée à l’économiste Karl Polyani et fait référence à l’autonomisation de certaines activités, auparavant inscrites dans des relations et solidarités sociales, qui se constituent peu à peu en marchés économiques dédiés. Eva Illouz (2012) est la première à utiliser cette notion pour penser les transformations de l’intimité. Pour elle, le désencastrement des choix amoureux individuels apparait dans leur autonomisation vis-à-vis du tissu moral et social du groupe qui conduit à une « dérégulation des rencontres amoureuses ». Marie Bergström reprend aussi la notion de désencastrement mais cette fois pour penser l’autonomisation du marché de la rencontre en tant que tel avec ces acteurs et son économie. Pour elle, la morale et les normes sociales dans la rencontre amoureuse ne s’évaporent pas sur Internet mais se réinventent (2019). L’EMG est un objet qui ne se laisse pas facilement catégoriser dans l’une ou l’autre approche car, comme cet article l’illustre, les frontières entre le marché économique de la rencontre internationale et les pratiques des individus sont parfois indistinctes. Si les mariages qui se produisent ensuite dans le cadre de l’EMG réunissent toutefois généralement des hommes et des femmes assez diplômés, ce phénomène illustre néanmoins des démarches qui sortent de la norme à la fois par les ruses qui caractérisent certaines de ses relations intimes mais également en raison de l’hétérogamie des couples.

15 Marie Bergström, Les nouvelles lois de l’amour, Paris, La Découverte, 2019, p. 13.

16 Illouz, Pourquoi l’amour fait mal…, op. cit., p. 83-84.

17 Cette notion permet d’envisager le continuum des échanges économico-sexuels sous un autre angle que celui de la domination des hommes sur les femmes. Sans perdre cette dimension pour autant, parler de capital sexuel rend possible d’envisager comment les femmes peuvent se saisir de ce capital pour poursuivre leurs propres objectifs. En restituant aux femmes leur capacité d’action et leur maitrise sur ce capital sexuel, il est possible de révéler le caractère « négocié » de la sexualité en particulier dans les espaces de l’EMG. Voir aussi Philippe Combessie Philippe et Sylvie Mayer (dir.), Sexualités négociées, Paris, PUF, 2013.

18 Chez Lévi-Strauss, l’échange restreint décrit tous les systèmes où les mariages ont lieu entre deux groupes et où les transferts sont réciproques. Ce type de mariages existait lorsque le choix du conjoint était déterminé par les règles de parenté. Claude Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, Berlin, De Gruyter Mouton, 1949.

19 Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », Études rurales, 1, 5, 1962, p. 31-135.

20 Pierre Bourdieu, « Reproduction interdite. La dimension symbolique de la domination économique », Études rurales, 1, 113, 1989, p. 15-36, ici p. 25.

21 Ibid., p. 23.

22 Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2005.

23 Ce suffixe concept -scape (paysage en français), forgé par l’anthropologue Arjun Appadurai, permet de penser la disjonction des flux mondiaux et leurs interactions. En l’associant à l’intime, il rend possible d’appréhender les échanges de cet ordre qui opèrent à l’échelle globale à partir d’études de cas situées.

24 La notion de régime de genre est empruntée à Raewyn Connell ; elle permet de réaliser un inventaire structurel des relations de genre au sein d’institutions spécifiques. Ainsi dans les sphères scolaire, familiale ou professionnelle se développent différents régimes de genre. On peut reprendre cette notion pour l’intimité qui, en fonction des contextes socio-historiques, répond à des normes variables. Dans le cadre des relations intimes internationales, ces régimes de genre et d’intimité, historiquement et géographiquement situés, se révèlent lorsqu’ils entrent en interaction. Voir Raewyn Connell, Gender and Power : Society, the Person and Sexual Politics, Cambridge, Polity Press, 1987.

25 Les hommes occidentaux s’engagent plutôt dans des relations avec des femmes originaires de pays postsoviétiques, d’Asie du Sud-Est ou de Chine, les femmes occidentales entrent plus souvent en relation avec des hommes issus de certains pays africains. Voir notamment les travaux de Christine Salomon, Corinne Cauvin Verner et Altaïr Despres.

26 Giddens, La transformation…, op. cit., p. 10 et p. 170.

27 L’amour convergent « présuppose l’égalité la plus stricte en termes de donation et de réception émotionnelles ; plus il en va ainsi, plus le lien amoureux se rapproche du paradigme de la relation pure. » Giddens, La transformation…, op. cit., p. 81.

28 Emmanuelle Santelli, « L’amour conjugal, ou parvenir à se réaliser dans le couple. Réflexions théoriques sur l’amour et typologie de couples », Recherches familiales, 1, 15, 2018, p. 11-26.

29 Extrait du site de l’agence Accords franco-russes, URL : http://accords-franco-russes.com/fr/femme_russe.php, consulté le 14/01/2019.

30 Selon Sarah Mazouz, le concept de racialisation permet de « rendre compte de la production de groupes soumis à l’assignation raciale tout en examinant aussi les mécanismes qui amènent un groupe à tirer profit des logiques de racialisation » Sarah Mazouz, Racialisation ou racisation  ?, https://racismes.hypotheses.org/173, (consulté le 25 mars 2021). L’usage du terme racialiste, fondé sur celui de la racialisation, permet ainsi de saisir le processus de réduction de certain·e·s individu·e·s à quelques traits significatifs en raison d’une origine ou d’une appartenance supposée et, dans le même temps, d’observer comment l’assignation raciale peut être mobilisée par les groupes racialisés pour poursuivre leurs propres objectifs. Voir aussi Didier Fassin, « Ni race, ni racisme. Ce que racialiser veut dire » dans Didier Fassin (dir.), Les nouvelles frontières de la société française, Paris, La Découverte, 2010, p. 147-172.

31 Dans sa thèse, Marie Bergström a distingué deux scénarios sur les sites de rencontres français, les sites « sérieux » et les sites « libertins ». Marie Bergström, Au bonheur des rencontres : sexualité, classe et rapports de genre dans la production et l’usage des sites de rencontres en France, Thèse de doctorat, Paris, Institut d’études politiques, 2014.

32 Illouz, La fin de l’amour…, op. cit., p. 149.

33 Cette expression est inspirée du travail de Mathieu Trachman qui identifie les pornographes (réalisateurs de films pornographiques) comme des entrepreneurs de fantasmes. Bien que les deux phénomènes soient distincts, on retrouve des traits similaires entre les dirigeantes de l’EMG et les pornographes notamment parce qu’ils mettent tous les deux en scène des corps féminins et qu’ils convertissent « les fantasmes en marché ». Trachman, Le travail…, op. cit.

34 Jérôme, 35 ans, divorcé, deux enfants, chef d’entreprise, inscrit sur un site de rencontre international depuis moins d’un an, entretien conduit en 2013 à Lyon.

35 Aliona, 35 ans, directrice d’une agence à Kiev ouverte en 2003, entretien conduit en 2013 à Kiev.

36 Bergström, Au bonheur des rencontres…, op. cit.

37 Paola Tabet, La grande arnaque : Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004.

38 Elena Mezentseva, « “Renaissance patriarcale” et travail féminin en Russie moderne », Les Cahiers du Genre, 1, 12, 1995, p. 103‑114. Voir aussi Suzanne Lafont, « One Step Forward, Two Steps Back : Women in the Post-Communist States », Communist and Post-Communist Studies, 34, 2001 p. 203‑220.

39 En témoignent de nombreux livres publiés à partir des années 2000 sur les moyens d’épouser un homme riche ou l’ouverture d’écoles dédiées au développement de compétences pour séduire les oligarques.

40 Elena Zdravomyslova et Anna Temkina, « Gendered citizenship in Soviet and Post-Soviet societies » in Vera Tolz et Stephenie Booth (dir.), Nation and Gender in Contemporary Europe, Manchester University Press, 2005, p. 96‑113, p. 110.

41 Les marchés scopiques sont des marchés où « la valeur est créée par la valorisation d’images de corps sexuels destinés à être consommés par le regard dans les marchés économiques et sexuels ». Illouz, La fin de l’amour…, op. cit. p. 151.

42 Illouz, La fin de l’amour…, op. cit. Voir notamment le chapitre IV « Le capitalisme scopique et l’émergence de l’incertitude ontologique », p. 139-199.

43 Les travaux de Holly Porteous montrent qu’à partir des années 1990 sont introduits des produits du capitalisme scopique tels que les magazines féminins et comment ces images ont contribué à façonner l’expression de la féminité postsoviétique. Holly Porteous, « From Barbie to the oligarch’s wife : Reading fantasy femininity and globalisation in post-Soviet Russian women’s magazines », European Journal of Cultural Studies, 2, 20, 2016, p. 180‑198.

44 Luehrmann, « Mediated marriage… », op. cit., p. 871.

45 Johnson, Dreaming of…, op. cit., p. 51.

46 Extrait du journal de terrain correspondant à une observation participante effectuée de février à avril 2012 dans une agence matrimoniale internationale à Barnaoul.

47 Erving Goffman, « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, 1, 14, 1977, p. 34‑50.

48 Synopsis d’un reportage du magazine Sept à Huit diffusé sur TF1 en 2015, « Jean-Sébastien, “pigeon” d’une agence matrimoniale sans scrupule ». URL : https://www.lci.fr/france/jean-sebastien-pigeon-dune-agence-matrimoniale-sans-scrupule-1211137.html, consulté le 16/07/2020.

49 Gilles de Maistre, Escroqueries sentimentales, mode d'emploi (2015) relayé par France 5, ou la série Arnacoeurs diffusée sur France 2 dans l’émission Prise Directe, le 27 avril 2010.

50 L’émission C’est ma vie sur M6 a diffusé un épisode intitulé « J’ai trouvé l’amour en Russie » mettant en scène l’arrivée d’une femme russe avec sa fille pour se marier avec un homme français divorcé (2012). Le journal de France 2 a également investi le sujet avec deux épisodes intitulés « Au cœur de l’Est » (2013 et 2015) qui montrait des hommes français partis en Ukraine rencontrer des femmes inscrites dans une agence matrimoniale.

51 Christophe, 40 ans, divorcé deux fois, deux enfants du premier mariage, cadre commercial, inscrit sur un site de rencontre international depuis moins d’un an, entretien conduit en 2013 à Lyon.

52 Il a témoigné anonymement dans un reportage du magazine Sept à Huit, diffusé sur TF1 en 2015, intitulé « Belle promesse ».

53 Eurochallenges a fait l’objet de nombreuses plaintes d’anciens clients qui ont conduit à la fermeture de l’agence et à la poursuite pénale de l’entreprise et notamment de sa dirigeante pour pratiques commerciales trompeuses.

54 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 27.

55 Beaucoup d’hommes ne sont néanmoins pas dupes et ils identifient rapidement des démarches, dans le cadre de l’EMG, qui, selon leurs propos, « puent l’arnaque à plein nez ».

56 Bourdieu, La domination…, op. cit., p. 73.

57 Pierre Bourdieu, Choses dites, Paris, Éditions de Minuit, 1987, p. 79.

58 Luehrmann, « Mediated marriage… », op. cit. ; Galina Kobraleva, Natalia Antonova et Maria Guerassimova, « Klientki bračnogo agentstva  : štrihi k portretu (Клиентки брачного агентства : штрихи к портрету) », Sociologičeskie issledovanija (Социологические исследования), 11, 2005, p. 142‑144 ; Sizaire, « S’ouvrir au… », art. cit.

59 Bien que les agences matrimoniales internationales ne soient pas des institutions totales comme celles étudiées par Erving Goffman, certains parallèles sont possibles. Il y a bien une « cérémonie d’admission » et des pratiques, plus ou moins poussées, de mises aux normes qui laissent apparaitre des adaptions primaires et secondaires. Asiles  : Étude sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit, 1968.

60 Bourdieu, La domination…, op. cit. p. 49.

61 Abel, 37 ans, chef d’entreprise, inscrit sur un site de rencontre international depuis quelques années et voyageur régulier en Ukraine, entretien conduit en 2013 à Lyon.

62 Illouz, Pourquoi..., op. cit., p. 78.

63 Voir pour des exemples d’usage primaire des agences, Sizaire, « S’ouvrir au… », art. cit. ; et pour des usages secondaires d’accès à la mobilité, Sizaire, « Les agences postsoviétiques… », art. cit.

64 Michel de Certeau, L’invention du quotidien – Volume 1, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, p. 61.

65 Ibid., p. 60.

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Table des illustrations

Titre Illustration 1. Pages d’accueil des sites d’agences matrimoniales internationales
Crédits Source : Images tirées des sites marriagebynatali.com, lepontdelamour.fr, agencematrimonialeparis.com, inter-mariage.com [consultées entre février 2013 et janvier 2019].
URL http://journals.openedition.org/genrehistoire/docannexe/image/6069/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 445k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laure Sizaire, « Entre désirs et tactiques : transactions intimes au sein de l’Entremise Matrimoniale Globalisée »Genre & Histoire [En ligne], 27 | Printemps 2021, mis en ligne le 01 octobre 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/genrehistoire/6069 ; DOI : https://doi.org/10.4000/genrehistoire.6069

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Auteur

Laure Sizaire

Université Lumière Lyon 2, Centre Max Weber, fellow à l’Institut Convergences Migrations, Courriel : laure.sizaire@gmail.com

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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