L'entrée du magasin Tiffany à New York sur la 5e avenue, le 27 octobre 2019

Le groupe français LVMH a décidé de suspendre l'acquisition du joaillier américain Tiffany.

afp.com/Johannes EISELE

Rien ne va plus entre la France et les Etats-Unis. La guerre commerciale qui oppose les deux pays depuis de nombreux mois pourrait bien faire capoter le rachat du prestigieux bijoutier Tiffany par le français LVMH. Le conseil d'administration du numéro un mondial du luxe a en effet annoncé ce mercredi envisager un report du rachat de Tiffany. Le groupe français s'était pourtant engagé en novembre 2019, à racheter le joaillier new-yorkais pour la somme colossale de 14,7 milliards d'euros.

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Présidé par Bernard Arnault, le conseil d'Administration a déclaré avoir pris "connaissance d'une lettre du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères [Jean-Yves Le Drian], qui, en réaction à la menace de taxes sur les produits français formulée par les Etats-Unis, demande au groupe LVMH de différer l'acquisition de Tiffany au-delà du 6 janvier 2021". Une riposte française qui risque encore d'enflammer les relations entre Paris et Washington.

Des tensions commerciales qui s'enveniment

Pour mémoire, les Etats-Unis avaient menacé en décembre dernier de surtaxer "jusqu'à 100%" l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits hexagonaux emblématiques (champagne, cosmétique, sacs à main en cuirs, produits laitiers...) en représailles à la volonté française de mettre en place une taxe de 3% sur les grandes entreprises du numérique, accusée de cibler essentiellement les géants américains du secteur. Donald Trump et Emmanuel Macron avaient finalement trouvé un accord, la France s'engageant à "geler" sa propre taxe Gafa en attendant l'avancée des négociations au sein de l'OCDE. Sauf qu'à la mi-juin, le président américain claquait violemment la porte des négociations qui avaient repris au sein de l'organisation internationale.

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A la mi-août, les affaires s'envenimaient encore. Les Etats-Unis décidaient alors de prolonger de nouveau de six mois les sanctions douanières pesant sur des dizaines de produits européens, du whisky irlandais au parmesan italien, en passant par les vins français, les articles de luxe, ou encore les cosmétiques. Le motif ? Là encore, des représailles suite au conflit qui oppose l'Union européenne et les Etats-Unis sur l'affaire Airbus Boeing. En octobre 2019, après quinze années de procédure, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avait finalement donné raison aux Etats-Unis qui accusaient l'Europe d'avoir indûment subventionné l'avionneur européen. En réparation, l'institution genevoise avait autorisé les Etats-Unis à surtaxer les produits européens à hauteur de 7,5 milliards de dollars (6,9 milliards d'euros). Le Bureau du représentant américain au commerce avait alors dévoilé la liste des produits en provenance d'Europe. Que trouve-t-on dans cette fameuse liste ? Du vin français et des cosmétiques, notamment...

Tiffany, une mauvaise opération

La lettre du ministre français s'inscrit donc dans cette longue suite d'échauffourées entre les deux pays. Pour LVMH, l'intervention du Quai d'Orsay tombe en tout cas à point nommé. Car depuis le début de la crise, le rachat du joaillier américain était presque devenu une "mauvaise" opération. Ou du moins une opération particulièrement onéreuse, alors que le marché du luxe souffre fortement du ralentissement de l'économie mondiale. Au premier semestre, les résultats de Tiffany ont plongé dans le rouge avec des pertes de plusieurs dizaines de millions d'euros. "LVMH n'est pas satisfait de ces performances", commente une source proche du dossier. De là à imaginer que le gouvernement ait décidé de donner un petit coup de pouce au géant français...

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