Le charbon: danger pour la vie sous-marine

LOUVAINS

corail

Une mine de charbon au large de la Grande Barrière de corail menacerait les écosystèmes marins. Des scientifiques de l’UCLouvain le démontrent.

À l’heure où la guerre en Ukraine provoque une crise énergétique mondiale, certains pays envisagent de remplacer le gaz russe par du charbon. Mais attention, ce combustible risque de mettre en péril certaines espèces marines. C’est ce qu’affirment Emmanuel Hanert et Antoine Saint-Amand, chercheurs au Earth and Life Institute de l’UCLouvain, qui ont étudié l’impact potentiel d’un projet de construction d’une gigantesque mine de charbon au large de la Grande Barrière de corail. Conclusion ? Les dégâts sur l’environnement marin seraient considérables. Les résultats de cette étude réalisée en collaboration avec deux chercheuses australiennes de la James Cook University sont publiés dans la revue Marine Pollution Bulletin.

Les écosystèmes les plus précieux touchés

Le projet du milliardaire australien Clive Palmer est actuellement en attente d’une décision des autorités australiennes. La mine qu’il envisage de construire dans le Queensland serait située à une dizaine de km des côtes du site classé patrimoine mondial. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. La pollution liée à l’extraction minière représente un réel danger pour les écosystèmes marins. Les chercheurs ont étudié les conséquences écologiques éventuelles d’une telle exploitation. « Dans nos travaux, nous simulons la dispersion de différents types de sédiments à l'aide d'un modèle océanique à haute résolution et nous en déduisons leur empreinte environnementale », explique Emmanuel Hanert.

L’étude montre que les courants de marée intenses pourraient transporter en quelques semaines les sédiments les plus fins dans des prairies sous-marines denses, des plages de ponte de tortues et une zone de refuge pour les dugongs (un mammifère marin proche du lamantin). « Nos résultats suggèrent que les particules ne seront pas dispersées uniformément dans toute la baie mais plutôt concentrées là où se trouvent les écosystèmes les plus précieux. »

Les dugongs, par exemple, se nourrissent principalement d'herbiers marins. Lorsque ceux-ci sont recouverts de sédiments, ces mammifères marins sont privés de nourriture et peuvent périr. C'est ce qui est arrivé en 2011 lors du passage du cyclone Yasi qui a, à la fois, arraché les herbiers marins et donné lieu à d'importants panaches de sédiments suite aux inondations sur la côte. À l’époque, 187 dugongs avaient été retrouvés morts échoués sur les plages.

Patrimoine mondial en péril

Les scientifiques concluent que ce projet de mine à ciel ouvert pourrait avoir des répercussions considérables sur des zones écologiquement sensibles de la Grande Barrière de corail et ses espèces marines emblématiques. Les sédiments fins risquent d’étouffer les herbiers et de réduire les disponibilités de nourriture pour les animaux qui vivent sous l’eau. Le phénomène accentuerait considérablement la dégradation des récifs coralliens déjà fortement fragilisés par le réchauffement climatique. Les scientifiques constatent en effet depuis 2016 des phénomènes répétés de blanchissement massif des coraux. En cause ? L’utilisation intensive d’énergie fossile et notamment la combustion du charbon. L’installation minière amplifierait le stress thermique et la pollution de l’eau. Un patrimoine mondial est en péril.

Dans un contexte de crise énergétique, les experts rappellent le double impact négatif du charbon sur l’environnement. Sa combustion produit plus de CO2 par unité d’énergie produite que le gaz et son extraction a une incidence significative sur les écosystèmes à proximité. À bon entendeur…

Anne Mauclet
Communication recherche

10 millions de tonnes de charbon par an

Le projet Central Queensland Coal, propriété de Clive Palmer, est une mine de charbon à ciel ouvert prévue dans le bassin de Styx, à environ 130 km au nord-ouest de Rockhampton, dans le centre du Queensland en Australie. La mine produirait 10 millions de tonnes de charbon par an pendant environ 19 ans. Conséquence ? 450 millions de tonnes de CO2 émis au cours de sa durée de vie. À titre de comparaison, la Belgique a émis 84 millions de tonnes de CO2 en 2020.

> uclouvain.be/charbon-grande-barriere-corail

Les simulations ont été réalisées grâce au modèle de circulation océanique SLIM développé à l’UCLouvain en open source : slim-ocean.be

LouvainS : Juin 2022

  • Partir du bon pied
  • A-t-on raison d'avoir peur?
  • Promouvoir la santé en prison