”Douce nuit, sans tout ce bruit” : Bruxelles et périphérie marchent contre le bruit et la pollution des avions de Brussels Airport (photos&vidéo)
”Doooouce Nuit, sans tout ce bruit”. Air connu. Ils sont quelque 600 manifestants à l’avoir entonné ce dimanche 12 novembre 2023 dans une marche vers Brussels Airport. La licence d’exploitation de l’aéroport doit être renouvelée en 2024 par la Flandre. Riverains, politiques et associations s’unissent donc pour stopper les vols de nuit et diminuer le nombre de mouvements à Zaventem.
- Publié le 12-11-2023 à 16h43
- Mis à jour le 12-11-2023 à 19h45
MISE À JOUR 12/11 19h40
”Moi, j’ai grandi à Wezembeek-Oppem. Désormais, j’habite Kraainem. C’est vrai, je suis habituée au bruit. Mais les nuisances des avions ont beaucoup évolué. Les avions font des tours et des tours avant d’atterrir. Quand on est dans le jardin, quand on fait un barbecue entre voisins, on doit sans cesse s’interrompre pour s’entendre. Par moments, c’est un avion toutes les deux minutes”.
Cette riveraine résume bien les raisons qui ont poussé quelque 570 manifestants selon la police à rallier la gare de Zaventem ce dimanche 12 novembre 2023. Qu’ils viennent des communes de l’est bruxellois ou de la périphérie, qu’ils appartiennent au monde politique ou à la société civile, tous s’unissent pour des objectifs communs : interdire les vols de nuit entre 22 et 7h, plafonner le nombre de vols, exiger des limites de bruit et de fréquence. Le moment est capital : la licence d’exploitation de Brussels Export expire en 2024. La Flandre doit donc accorder un nouveau permis. Alors pour une fois, comme les avions, tous s’autorisent à faire un maximum de boucan. Direction l’aéroport pour une marche de 2,5km. Bercée par les paroles transformées de “Douce Nuit”.
On veut éviter les réactions NIMBY ("pas dans mon jardin"), sans quoi la réponse des autorités est facilitée: 'voyez, communes et associations ne sont pas d'accord entre elles, alors que voulez-vous qu'on fasse?!'"
”Oui, aujourd’hui, on peut faire du bruit. Car si on ne réagit pas, on risque d’avoir une situation pas très sympathique quand le permis d’exploitation sera renouvelé”, appuie Bertrand Waucquez, Bourgmestre de Kraainem et cheville ouvrière de la manif en tant que vice-président de l’UBCNA (Union Belge Contre les Nuisances Aériennes). “Il faut abolir ou diminuer fortement les vols de nuit, pour toutes les zones concernées. Diminuer aussi le nombre de vols annuels. On veut éviter les réactions NIMBY (”pas dans mon jardin”), sans quoi la réponse des autorités est facilitée : 'voyez, communes et associations ne sont pas d’accord entre elles, alors que voulez-vous qu’on fasse ? !'”. D’où la présence d’une vingtaine d’associations francophones comme néerlandophones ce dimanche. “Et on fera tout ce qu’il faut pour faire passer le message”.
400.000 vols annuels ?
Les manifestants ont décollé vers 14h au son des tambours et des slogans. “Il faut nous laisser dormir”, plaide Claire Vandevivere, Bourgmestre de Jette. “Et pas sacrifier la qualité de vie sur l’autel de l’économie. Il est question de passer de 220.000 à 400.000 vols annuels et ça, c’est pas possible”. Un avis partagé par son confrère de Woluwe-Saint-Pierre Benoît Cerexhe : “Le développement de Zaventem ne doit pas se faire sans fin comme le veulent les actionnaires”. Le maïeur sanpétrusien répond aussi aux inquiétudes sociales qui se font jour quand on discute de limiter les vols de nuit. “On ne veut pas faire fermer l’aéroport. Mais on voit qu’à Francfort, à Schiphol ou en France, on endort les pistes la nuit. J’aimerais que M. Gilkinet (Ministre fédéral de la Mobilité NDLR) donne des instructions à ses administrateurs pour qu’on ait enfin des nuits calmes autour de Zaventem”.
On ne veut pas faire fermer l'aéroport. Mais on voit qu'à Francfort, à Schiphol ou en France, on endort les pistes la nuit.
Preuve que pollution sonore et environnementale dépassent les frontières linguistiques et géographiques, on est parfois venu de plus loin pour se faire entendre. C’est le cas de l’association liégeoise Stop Alibaba, qui lutte contre le développement du géant chinois de l’e-commerce à Bierset. “L’aviation est nécessaire pour certains secteurs, mais pas à outrance”, plaide l’un de ses membres. “Les limites de la terre sont dépassées. Dans ce contexte, passer à 400.000 vols annuels est aberrant. L’argent public investi dans les aéroports belges n’est pas bien investi. Il faut penser à une économie plus locale qui offre des emplois de qualité en respectant l’environnement”.
Partir en vacances
Un discours qu’on n’est pas surpris de retrouver chez les représentants d’Extinction Rebellion. Comme nous le résume Dernas, venu d’Anvers. “On ne dit pas qu’on ne peut plus voler pour partir en vacances. Mais les jets privés qui concernent 80 % des mouvements à Deurne, c’est très mauvais pour le climat. Ce n’est pas nécessaire et ça ne concerne que les ultrariches”. L’aéroport anversois sert en effet de parking pour ces appareils de luxe. “Ils volent donc à vide pour aller chercher leurs clients à Bruxelles ou ailleurs”, se scandalise Dernas. “Ça ne serait pas possible sans subventions aux aéroports ou la non-taxation du kérosène : sans cet argent public, fini les vols vers Saint-Tropez”.
Zaventem et ses environs, ce n’est pas le rêve bleu de la Côte d'Azur. Mais leurs habitants espèrent que leurs nuits cesseront d’être un cauchemar.
80% de jets privés à Deurne, ça ne serait pas possible sans subventions aux aéroports ou la non-taxation du kérosène: sans cet argent public, fini les vols vers Saint-Tropez.
Brussels Airport : “les avions deviennent plus grands et plus respectueux de l’environnement”
En réponse à la manif, Brussels Airport indique qu’il souhaite également devenir plus durable. “À propos de cette approche et de cette vision de l’avenir, l’aéroport est prêt à entamer un dialogue avec les résidents locaux”, a fait valoir l’entreprise qui gère l’aéroport.
Celle-ci a tenu à souligner que le renouvellement du permis ne signifiait pas une expansion de l’infrastructure ou des vols de nuit supplémentaires. “L’aéroport veut pouvoir croître avec l’économie”, a-t-elle poursuivi.
20 fois plus cher
Selon Brussels Airport, le nombre de mouvements de vol connaîtra une croissance lente par rapport au nombre de passagers, car les avions deviennent plus grands et plus respectueux de l’environnement. Brussels Airport encourage les compagnies aériennes à se renouveler avec des tarifs différenciés. “Les avions les plus anciens coûtent aux compagnies jusqu’à 20 fois plus cher que les plus récents”, a expliqué le porte-parole Ihsane Chioua Lekhli.
Celui-ci a également insisté sur la fonction économique de l’aéroport, dont 14.000 emplois dépendent (in-) directement des seuls vols de nuit. “Nous sommes spécialisés dans le pharma, dans les vaccins, qui doivent être livrés rapidement. L’interdiction de ces vols de nuit aurait un impact socio-économique majeur. Pour de nombreuses entreprises, de la Flandre occidentale au Limbourg, le transport international est essentiel à leur activité d’exportation”, a ajouté le porte-parole.
Alain Maron : “l’aéroport a la responsabilité de mieux protéger les habitants et l’environnement”
De son côté, le ministre bruxellois de la Santé et de l’Environnement, Alain Maron (Ecolo), a appelé tous les partis au gouvernement fédéral et le gouvernement flamand à se montrer à la hauteur des enjeux de qualité de vie et de santé des habitants survolés, mais aussi des enjeux environnementaux.
La fin des vols de nuit, l’interdiction des “sauts de puce”, la réduction du bruit des avions pendant la journée et aux moments les plus sensibles (matin, soir, week-ends et jours fériés), un plafond global de bruit (par période et sur l’année) sont autant de demandes soutenues par le gouvernement bruxellois dans son ensemble, a-t-il souligné, dans un communiqué diffusé en marge de la manifestation.
Un million de Belges
Toujours selon Alain Maron, des projets de texte en ce sens ont été mis sur la table du gouvernement fédéral par le ministre des Transports, Georges Gilkinet (Ecolo).
”Le gouvernement flamand fixera bientôt les conditions du nouveau permis d’environnement de l’aéroport. C’est un outil puissant, grâce auquel il a la responsabilité de mieux réguler son exploitation pour mieux protéger les habitants et l’environnement, soit plus d’un million de Belges concernés par ces nuisances. Il est temps pour chacun de passer des paroles aux actes”, a commenté le ministre.