L’hébergement d’urgence en hiver : des mesures ponctuelles aux solutions pérennes
Publié le 13.12.22 - Temps de lecture : 3 minutes

L’hébergement d’urgence en hiver : des mesures ponctuelles aux solutions pérennes

Plus de soixante-huit ans après, l’appel de l’Abbé Pierre de février 1954 résonne encore et interroge sur notre capacité à gérer l’hébergement d’urgence en hiver. Tour d’horizon des solutions déployées par les villes.

Chaque année à l’apparition des premiers froids, la question de l’hébergement d’urgence en hiver fait les gros titres. Et en la matière, les chiffres sont éloquents : le parc d’hébergement ne compte à ce jour que 193 000 places pour les 300 000 personnes sans domicile fixe en France, selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre (FAB) 2022. Outre ce déficit, la crise atteint toutes les générations, les personnes seules comme les familles. Confrontés directement à ce fléau dans leur territoire, une vingtaine d’élus membres de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) ont cosigné en novembre dernier un appel solennel à l’État afin que celui-ci fournisse un toit aux 42 000 enfants sans-abri en France, « la condition première de la dignité humaine et de l’égalité républicaine ».

Des initiatives un peu partout en France

En première ligne, les villes augmentent, dans la mesure de leurs moyens, leur capacité d’accueil pendant l’hiver. Les mairies de Metz et Florange se sont par exemple dotées de haltes de nuit avec respectivement 17 et 8 places. Au Mans, « un centre d’hébergement a été rénové doublant le nombre de places » explique Yves Calippe, adjoint au maire. Ailleurs, ce sont des chambres d’hôtel réquisitionnées, des gymnases aménagés… En Ariège, la préfecture annonce une augmentation du volume de quelque 60 % de lits mobilisables ; en Charente-Maritime, les places en hébergement d’urgence ont été doublées en 5 ans.

Aux quatre coins du pays, toutes tentent d’anticiper et d’apporter la réponse la plus juste et la plus adaptée à chaque parcours de vie. Ainsi à Saintes (17), un centre d’accueil d’urgence a été inauguré en novembre dernier avec la particularité d’être accessible aux personnes en situation de handicap et d’accepter les maîtres et leur chien, l’établissement disposant d’un chenil et de chambres individuelles adaptées aux animaux de compagnie.


À lire aussi


Repérer et secourir

Que ce soit en zone urbaine ou plus rurale, la mobilisation sur le terrain requiert toute une chaîne de solidarités et de compétences. Elle s’articule en deux temps : repérer quotidiennement les personnes en situation de précarité, puis les guider vers les centres d’hébergement disponibles. Ce travail de maraude dans les rues des grandes métropoles comme dans celles des bourgs, est assuré par les antennes locales du 115 en étroit partenariat avec des associations (Croix-Rouge, Restos du Cœur, Emmaüs, etc.) Une fois sur place, outre le lit, les sans-abris bénéficient de soins, d’un accès à des sanitaires et de repas chauds. Le nombre de nuits est souvent limité et chaque matin, c’est une nouvelle journée d’incertitude qu’il faut affronter.

Et comme le froid peut sévir, certains centres restent ouverts 24 heures sur 24. Toujours en Ariège, les accueils de jour de Foix, Pamiers et Saint-Girons ont adapté leurs horaires d’ouverture afin de recevoir les personnes en grande précarité pendant la pause méridienne et le week-end. Mesure identique en Moselle où les centres de Metz, Thionville, Sarreguemines et Forbach ouvrent les après-midis avec la possibilité d’accéder à des douches.

Un hébergement d’urgence pérenne

La gestion dite au thermomètre est une solution ponctuelle qui apporte un hébergement à un instant T, au mieux pendant toute la période hivernale. Eu égard à l’ampleur du problème, il est indispensable de déployer de vraies politiques locales et nationales concertées pour que l’hébergement d’urgence d’hiver perdure toute l’année. Signataire de la pétition de l’Unccas, Yves Calippe, insiste « sur la nécessaire implication massive et durable de l’État relayée et appuyée par les villes pour mettre en œuvre des dispositifs d’accompagnement efficaces dans le temps. »

C’est le cas dans le Puy-de-Dôme qui a créé 54 places d’hébergement d’urgence pérennes en 2022, portant le total à 1078 lits . Les acteurs privés sont eux aussi appelés à contribuer à cet effort. Nexity Non Profit dont la vocation est de produire des logements et des hébergements pour les plus défavorisés, a déjà mené à bien trois projets comme tels dont deux à Montpellier et un à Périgueux avec à la clé respectivement 69, 30 et 62 places.

À l’aune du dérèglement climatique, cette dynamique est amenée à se multiplier. En effet, la question de l’hébergement d’urgence en été, bien que moins connue, est de plus en plus fréquente avec des risques réels de mortalité (déshydratation renforcée par la consommation d’alcool, hyperthermie, infection de plaies, etc.) Face à la canicule de juillet 2022, la mairie de Nice a maintenu ouvert en journée un centre d’hébergement d’urgence de nuit pour 300 personnes.

De la rue au logement, une vraie politique publique

Pour sortir durablement les personnes de la rue et de l’isolement, Raphaël Bourdeau, responsable projet pension de famille Nexity Non Profit, œuvre à la mise en place des pensions de famille, « où chaque résident logé dans un studio indépendant est accompagné par un animateur professionnel pour réapprendre l’autonomie et la vie collective et sociale ». C’est une voie longue, mais « porteuse de progrès et de réinsertion stable ».

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter