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Les Archives d’Avignon sont installées dans l’ancien Mont-de-piété de la ville. Depuis 1610, cet établissement de prêt sur gage a connu une histoire atypique.

 

Découvrez le fonctionnement du Mont-de-piété au cours des siècles et sa vocation économique et sociale auprès des habitants !

Du Mont-de-Piété au Crédit municipal

Avignon 1610 - 2010

Transposition virtuelle de l'exposition

de 2010. 
Mise en ligne

en 2022.

Lutter contre l’usure, aider les pauvres, éviter la ruine des familles et inventer les formes nouvelles d’un crédit populaire et social furent les missions que se fixèrent en 1577 un groupe de personnes charitables en créant à Avignon, alors territoire pontifical, la Congrégation Notre-Dame de Lorette.

Le 6 mai 1610, Jeanne Caresme, épouse d’un fabricant d’épées venait déposer quelques bijoux au Mont-de-piété d’Avignon qui ouvrait ses portes pour la première fois. En échange des gages déposés, les officiers administrateurs du mont lui prêtèrent la somme nécessaire à rembourser les dettes de son époux emprisonné pour cause d’endettement. Ce premier « engagement » résume à lui seul la fonction essentielle remplie par cette institution d’inspiration italienne durant plus de quatre siècles.

chronologie

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Griffon de Pérouse

Le Mont-de-piété d’Avignon, dont les établissements précurseurs sont italiens (XVème siècle), est le plus ancien sur le territoire français actuel. Se développant et s’agrandissant au fil des siècles grâce à la générosité de nombreux donateurs et au soutien des autorités publiques, l’institution est demeurée rue Saluces jusqu’en 1985. Après le rattachement d’Avignon à la France, à l’aube du XIXème siècle, le Mont-de-piété s’est adjoint, de manière très originale, le fonctionnement d’une condition des soies. Cet établissement industriel avait la vocation de garantir le poids à sec de la soie dans le cadre des transactions.

Etablies depuis l’été 1986 dans les bâtiments de l’ancien Mont-de-piété, les Archives de la Ville d’Avignon, au-delà des fonds municipaux, conservent la mémoire de cette institution multiséculaire. Cette histoire singulière est mise en valeur de manière permanente au sein du Musée du Mont-de-piété et de la Condition des soies, musée de l’œuvre ouvert au public en 1987 dans l’ancienne chapelle Notre-Dame-de-Lorette. En 2010, le 400ème anniversaire de l’ouverture du Mont-de-piété d’Avignon a été l’occasion de proposer une synthèse de l’histoire atypique de cet établissement de prêt sur gage grâce à cette exposition et à une publication.

Le Mont-de-piété d’Avignon, dont la dénomination a changé en 1949, voit aujourd’hui encore, dans le fonctionnement de la Caisse de crédit municipal, la continuité de ses missions premières qui se sont élargies et adaptées au monde moderne.

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Griffon actualisé des caisses de crédit municipal
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 Sommaire 

2. L'expansion
des monts-de-piété - Flandre et royaume de France
3. La congrégation
de notre-dame de lorette
(1577-1604)
4. Naissance
du Mont-de-Piété
(1604-1608)
6. Fonctionnement
Confrères et officiers
10. Bienfaiteurs
et donateurs
11. La Révolution
et le Mont-de-Piété
(1792-1800)
12. La renaissance
Création de la Condition publique des soies  d'Avignon
15. Indépendance
de la Caisse d'épargne et derniers travaux (1850- Années 1920)
16. Fin
de la condition des soies
(1880-1931)
17. Du Mont-de-piété
au Crédit municipal
(1920-2010)
18. Réemploi du bâtiment
Installation des archives municipales d'avignon
7. Activité
clients et gages
13. Conditionner 
la soie
8. Les bâtiments
Acquisitions ( 1608-1762)
14. Développement 
Création de la Caisse d'épargne et nouveaux travaux 
19. Mémoire
de l'institution et des lieux
5. Naissance
du Mont-de-Piété
(1608-1612)
9. Les bâtiments
Constructions et travaux (1608-1782)
Sommaire
1
Les origines
La création du mont-de-piété

Aux origines des monts-de-piété : le fléau de l’usure

 

La création des monts-de-piété, qui apparaissent dans la seconde moitié du XVème siècle en Italie, s’inscrit dans le droit fil de la lutte opiniâtre conduite contre le fléau de l’usure pratiquée par les prêteurs sur gages et produisant des ravages depuis le Moyen Age dans tous les milieux.

L’usure est un « péché », l’usure est un « crime », elle est

« abominable » et promet à celui qui la pratique les pires tourments dans l’Au-delà, voilà comment l’Eglise, dès ses débuts, envisage toutes les pratiques de prêts à intérêt.

L’usure c’est « recevoir plus que l’on a donné » dit saint Ambroise. Et c’est dans la Bible que les hommes du Moyen Age trouvèrent les textes la condamnant très clairement. Cinq d’entre eux sont tirés de l’Ancien Testament, le sixième provenant de l’évangile selon saint Luc : « Prêtez sans rien espérer en retour et votre récompense sera grande ».

L’usure est un « péché », l’usure est un « crime », elle est

« abominable » et promet à celui qui la pratique les pires tourments dans l’Au-delà, voilà comment l’Eglise, dès ses débuts, envisage toutes les pratiques de prêts à intérêt.

 Saint Thomas d’Aquin a eut un rôle   considérable dans la réflexion menée par   l’Eglise sur la question de « l’argent » et   de son usage. 

Les Origines
L'expansion
des monts-de-piété - Flandre et royaume de France
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2

L'expansion flamande

Force est de constater que les Pays-Bas espagnols constituent très rapidement une terre d’élection et de développement pour la nouvelle institution.

Après Ypres qui en 1534 se dote d’un mont appelé bourse de prêt (leenburse), Bruges qui crée en 1572 un mont de charité (mons perfectae charitatis), c’est en 1610, à Lille, qu’un marchand, Bartholomé Masurel, ayant réussi dans les affaires à Anvers est à l’origine de la mise en place d’un mont-de-piété sur le modèle italien.

Sur les conseils d’un père jésuite, Jean Lessius, recommandant dans ses écrits la création de monts aux Pays-Bas, l’architecte conseiller des Archiducs Albert et Isabelle, gouverneurs des Pays-Bas espagnols, Wenceslas Coebergher se lança dans l’entreprise et réussit à les convaincre d’autoriser le fonctionnement des monts sur la base d’un taux d’intérêt pour les prêts fixé à 15%, taux relativement élevé certes mais destiné, d’une part à trouver les premiers fonds à rémunérer et d’autre part à connaître une baisse progressive dès que possible.

Le 28 septembre 1618 le Mont-de-piété de Bruxelles ouvrait officiellement peu après qu’une ordonnance des Archiducs ait supprimé les tables de prêt, érigé des monts dans toutes les villes et nommé Cobergher superintendant-général de la quinzaine d’établissements qu’il fera créer entre 1618 et 1633.

Wenceslas Coebergher se lança dans l’entreprise et réussit à les convaincre d’autoriser le fonctionnement des monts sur la base d’un taux d’intérêt pour les prêts fixé à 15%.

L'expansion
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3
La congrégation
de Notre-Dame de lorette (1577-1604)

Dans ce vaste mouvement de diffusion, à partir de l’Italie, des monts-de-piété en Europe et en France, celui d’Avignon tient une place tout à fait particulière. Cela est dû à plusieurs éléments : position politique et spirituelle de la ville ; précocité de sa création, 1577 pour sa conception et 1610 pour son ouverture ; exceptionnelle longévité ; fonctionnement au fil des siècles et ingéniosité de ses administrateurs pour le faire durer ; patrimoine bâti, artistique et écrit qu’il a su enfin transmettre jusqu’à nous.

La congégration
Naissance
du Mont-de-piété d’Avignon
(1604 - 1608)
4

Vers le Mont-de-piété : une charité nouvelle

 

Privés en 1604 de leur maison où ils tenaient un pensionnat, concurrencés par d’autres congrégations mariales qui connaissent un grand succès, les confrères de la congrégation Notre-Dame de Lorette vont devoir se tourner totalement vers une autre mission inscrite dans les statuts dès 1577 : celle de « soulager les pauvres honteux ».

La seconde moitié du XVIème siècle est calamiteuse. Les guerres religieuses créent un climat d’insécurité et de suspicion permanentes ; la peste est endémique ; la disette « ne laisse aucun répit » ; l’économie de la ville est en déclin et l’endettement que favorisent les usuriers est un véritable fléau. Il en résulte « un gonflement anormal de la masse des pauvres. Pas seulement ces pauvres de toujours, infirmes, vagabonds et mendiants (…). Mais tous ces humbles gens, vivant tant bien que mal d’un salaire ou de menues besognes, qui, en temps de crise, passent au-dessous du seuil de subsistance (…) les ‘pauvres gens’ ou le ‘pauvre peuple’ »

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Les confrères de la congrégation Notre-Dame de Lorette vont devoir se tourner totalement vers une autre mission inscrite dans les statuts dès 1577 : celle de « soulager les pauvres honteux ».

Ce qui change : « une attitude nouvelle à l’égard des pauvres » et « chez les nantis, un sentiment de culpabilité » qui est à l’origine d’un « renversement capital. La charité n’est plus conçue maintenant principalement par rapport à celui qui la fait (pour qui ce serait une ‘bonne œuvre’ méritoire) mais d’abord par rapport à celui qui en bénéficie, qu’il s’agit de soulager réellement ».

Naissance
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naissance
du Mont-de-piété d'Avignon
(1608-1612)

Vers le Mont-de-piété : la mise en ordre de marche religieuse et  matérielle

Ayant trouvé leur nouvelle voie, les confrères de la congrégation s’activent. L’année 1608 n’est pas encore achevée qu’ils mettent fin à la location de la maison de la rue Saint-Marc et qu’ils procèdent à l’acquisition le 4 septembre d’une maison, cour et jardin dans la rue allant du planet de Saluces à la rue de la Croix, paroisse de Saint-Symphorien. Ils l’acquièrent de Pierre de Montmorency, sieur du Hallier et y opèrent en quelques mois des travaux pour y faire l’appartement du concierge, un bureau et une chapelle. De ces premières dispositions intérieures nous ne savons rien d’autre puisque les lieux seront entièrement réorganisés dans le courant des XVII et XVIIIème siècles au fil des acquisitions successives d’immeubles et jardins. Ce qui est dénommé « bureau » peut être interprété comme l’espace destiné à accueillir les opérations d’engagement mais aussi les gages déposés.

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La nouvelle mission de prêt sur gages demeure inscrite au cœur des activités de la congrégation dont le symbole le plus éclatant est bien ce lieu de culte dédié à la Vierge.

Mais ce qu’il faut surtout comprendre, notamment dans l’organisation de cette nouvelle chapelle, geste prioritaire pour les confrères, c’est que la nouvelle mission de prêt sur gages demeure inscrite au cœur des activités de la congrégation dont le symbole le plus éclatant est bien ce lieu de culte dédié à la Vierge. Faisant bien les choses, il est procédé à sa bénédiction le 26 mai 1609 par Monseigneur Ferreri, vice-légat.

Naissance 2
Fonctionnement
Confrères et Officiers
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6

La période de deux siècles qui s’ouvre va permettre aux recteurs de l’institution de la développer, avec sagesse et selon une certaine stratégie. Répondant aux nécessités d’une clientèle qui augmente régulièrement, les confrères recteurs procèdent à des agrandissements successifs permettant d’adapter les locaux aux besoins d’espace et de les rendre conformes, en beauté comme en fonctionnalité, à l’importance que prend l’institution. Au fil des ans, la préoccupation majeure de ces « administrateurs » demeure le prêt sur gages qui doit être au coût le plus faible possible ce qui implique de disposer, assez régulièrement, de ressources que les dons et legs procurent : ceci est un aspect essentiel du fonctionnement du mont. L’extension des édifices, la bonne gestion des « biens des pauvres », la figure des donateurs et celle des recteurs et confrères d’une grande probité et d’une incontestable piété, voilà les quatre points forts de l’activité du mont avignonnais avant la Révolution.

Confrères, officiers administrateurs

 

Qui sont donc ces hommes – les femmes ne sont pas admises dans la congrégation, rappelons-le– qui décident à la fois de se consacrer jusqu’au terme de leur vie et exclusivement à la congrégation et, pour certains d’entre eux, de prendre des responsabilités de gestionnaires qui peuvent être parfois assez lourdes alors même qu’elles sont bénévoles ?

Ce document récapitule la liste des confrères et officiers ayant appartenu à la congrégation et ayant géré le Mont-de-piété.

Fonctionnement
7
Activité
client et gages

Fonctionnement du prêt sur gages

 

A l’origine, le mont-de-piété répond à un besoin précis, celui de la lutte contre l’usure et de la protection de ceux qui se trouvent pris à son piège et, le prêt sur gage en est l’un des meilleurs moyens.

Le mécanisme du prêt sur gage fonctionne suivant un cycle simple toujours en vigueur aujourd’hui : appréciation (estimation), engagement (dépôt), dégagement (remboursement et reprise du gage) ou vente à l’encan et distribution des boni, en constituent les principales séquences.

L’objet est alors déposé et le prêt est consenti, somme à rembourser avant un an d’un montant correspondant au capital augmenté de ce fameux intérêt qui à Avignon oscille de 2 à 5%. La prolongation du prêt peut également être obtenue, il peut être ainsi « renouvelé ». Le déposant reçoit une « reconnaissance », document lui permettant de justifier son dépôt.

Celui qui est dans le besoin vient au mont avec un (outil ou instrument, draps, hardes, paillasse, vêtements, bijoux de toutes sortes…), le fait

« estimer », « apprécier » aux 2/3 de sa valeur.

Enfin, il peut y avoir des

« dégagements gratuits », c’est-à-dire sans que le déposant ait à rembourser son prêt. Ces opérations correspondent en général aux vœux particuliers de donateurs ou à des prescriptions locales, conjoncturelles ou même nationales comme cela sera le cas durant la Révolution.

Si le déposant ne peut ou ne souhaite rembourser son prêt, l’objet est alors vendu à l’encan, aux enchères. Si le prix de vente est inférieur à la somme prêtée sur la durée accordée augmentée de l’intérêt, l’institution affaiblit sa trésorerie ; s’il est égal elle rentre dans ses frais ; s’il est supérieur, l’excédent que l’on appelle bonus (on parle toujours de « boni ») est remboursé si possible au déposant.

Actvité client et gages
Les bâtiments
Acquisitions (1608-1762)
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La réussite du Mont-de-piété d’Avignon va tenir à quelques éléments dont, le premier, est constitué par le service rendu à la population, aux clients, aux déposants. Avant même son ouverture officielle, les confrères firent l’acquisition d’un premier immeuble dans lequel ils firent immédiatement des aménagements destinés à assurer le fonctionnement de la nouvelle institution.

Mais l’augmentation progressive et rapide des dépôts, l’importance que prit l’institution dans la cité, nécessitèrent la mise en place d’une politique d’acquisition très cohérente conduite durant près de cent-cinquante ans.

 Le triangle que constitue cet îlot correspond à la   forme qu’il a à peu près aujourd’hui. Sa partie basse   est bordée par la rue de la Croix ; sa partie droite   par ce qui est de nos jours la rue du Mont-de-Piété ;   la partie gauche par la place de la Bulle où prend la   rue Saluces qui le longe dans sa partie haute. 

Bâtimet acquisitions
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9
Les bâtiments
Constructions et travaux (1608-1782)

Les bâtiments du Mont-de-piété : une construction progressive

Protéger les biens des pauvres, voilà l’une des obsessions des confrères. Un exemple pour illustrer cela nous est donné par une délibération du 24 février 1695. Ce jour là, le recteur vieux «  a remonstré à laditte assemblée les inconvéniens qui peuvent arriver aux magasins de cette maison par lendroit ou sont de maisons delaissées des hoirs de noble Magnati, qui sont joignant lesdits magasins, et que il y a quelques jours les larrons firent une ouverture a la muraille du magasin du haut laquelle fut interrompue par un voisin qui fust eveillé etc. ». Et de conclure « pour prévenir tout ce qui pourrait arriver par lesdites maisons soit par le feu ou par les larrons qui peuvent facilement se servir de la faiblesse de la muraille qui sépare les magasins hauts avec lesdites maisons qui nest batie que d’un buget » à l’achat nécessaire de ces mauvaises constructions

« ou de faire un contremur à la muraille des magasins hauts ».

Projet d’aménagement des bâtiments du Mont-de-piété. Vers 1730

Il y a également une incontestable logique à l’accroissement des bâtiments : elle repose sur l’augmentation régulière des dépôts qu’il faut donc accueillir, sur les résultats d’une excellente gestion offrant des excédents et autorisant les investissements et, incontestablement, sur la nécessité de montrer, même dans un quartier aux abords discrets, le prestige de la congrégation, pensée vaniteuse toujours utile pour créer la confiance et le désir d’y appartenir, maintenir le recrutement.

Projet d’aménagement des bâtiments du Mont-de-piété. Vers 1730

Plan. AMA 2S9

 Ce document, qui est probablement de la main de   l’architecte Jean-Baptiste Franque, a été dressé peu   après l’acquisition de la chapelle de la Croix, édifice   ruiné auquel on accédait par une petite ruelle qui   disparut à cette occasion. Ce projet prévoyait, selon   les accords passés avec le chapitre Saint-Agricol, de   construire une nouvelle chapelle au même   emplacement. Ce projet prévoyait également la   réalisation d’une grande entrée donnant sur le planet   de Saluces. Il ne fut pas réalisé en l’état puisque   finalement la chapelle fut édifiée dans l’aile nord,   longeant l’actuelle rue Saluces. 

bâtiment constructions
Bienfaiteurs
et donateurs
10

Financer le fonctionnement du Mont-de-piété

 

L’une des questions essentielles des monts-de-piété demeure bien celle du financement, celle de la trésorerie car seule la disponibilité de liquidités permet de prêter. Or, au fil de cette longue période des origines à 1790, les confrères se plaignent souvent de la « rareté » de l’argent.

Et l’absence de trésorerie, même ponctuelle, a pour conséquence de limiter les prêts, de les réduire ce qui leur est inconcevable. Aussi sont-ils particulièrement attentifs à ces questions et, lorsque l’argent fait défaut, ils n’hésitent pas à se tourner vers l’emprunt, emprunt que la congrégation doit parfois s’imposer. Mais c’est surtout à la puissance publique que l’on s’adresse pour la mettre à contribution et les relations qu’ils entretiennent avec l’élite consulaire –certains ont été membres de la congrégation – facilitent l’obtention de ce qui ressemble fort à des

« subventions déguisées », jusqu’à 30.000 livres par exemple en 1767. Tout porte à croire en effet que les remboursements en sont exceptionnels.

 Les confrères tenaient scrupuleusement à jour   la liste des bienfaiteurs dont les noms et la   nature des donations ou legs étaient transcrits   dans les divers livres de raison ou livres d’état   de l’œuvre. 

Bienfaiteurs
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11
La révolution
et le Mont-de-piété (1792-1800)

Sensible aux événements qui se déroulent dans le royaume depuis 1789, la ville d’Avignon adopte le modèle d’une municipalité « à la française » le 25 mars 1790 et, faisant suite à une consultation électorale d’un genre nouveau, les Etats d’Avignon et du Comtat-Venaissin sont rattachés à la France par décret du 14 septembre 1791.

Soumises à compter de cette date à toutes les décisions des nouveaux législateurs, la loi du 18 août 1792, en supprimant les congrégations séculières et les confréries, mettait fin à l’histoire de la congrégation de Notre-Dame de Laurette et remettait complètement en cause l’administration du Mont-de-piété avignonnais.

Révolution
La renaissance
création de la Condition publique des soies d'Avignon
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L’intérêt que les autorités portent au mont est de plus en plus évident. Le « citoyen préfet » reçoit à sa demande un mémoire complet sur la situation de l’établissement en mai 1800 ; le 16 du même mois, la municipalité conduite par Guillaume Puy, se déplace et rend visite à l’administration du mont. Avant de se retirer « lesdits citoyen Maire et adjoints » promettent « de faire leur possible pour procurer au mont de piété tous les secours qui dépendent d’eux ». Une autre enquête sur la situation avant et après la Révolution est à nouveau transmise aux maire et préfet le 23 juillet 1801 à leur demande. Lassés sans doute de ce combat opiniâtre pour faire reconnaître l’utilité de l’institution, toujours dans l’attente de décisions de l’Etat sur le devenir des anciens monts, ses administrateurs réfléchissent à un autre projet, extrêmement original. Cette réflexion constitue un tournant et, en quelque sorte, l’entrée du mont-de-piété avignonnais dans le XIXème siècle.

Lassés sans doute de ce combat opiniâtre pour faire reconnaître l’utilité de l’institution, (...) ses administrateurs réfléchissent à un autre projet, extrêmement original.

Renaissance
13
Conditionner
la soie

Qu’est-ce que le conditionnement ?

 

D’un point de vue hygrométrique, la soie est une substance très hydrophile, sensible à la vapeur et peut se charger en eau jusqu’à 30% de son poids.

 

Marchandise d’une grande valeur, les contestations sur le « poids commercial » des soies mises en vente étaient perpétuelles du fait des variations de celui-ci liées a son taux d’humidité.

C’est pour mettre fin à ces difficultés que, à l’initiative d’entrepreneurs, de vastes salles furent mises à la disposition des négociants sur les grands marchés de la soie, à Turin, puis à Lyon. Les ballots étaient entreposés pendant 24 heures ou plus, à température de 22° à 25° selon les conditions météorologiques. En prélevant des échantillons, en les pesant après dessiccation on pouvait déterminer le poids réel de la soie, mettre d’accord vendeurs et acheteurs et la commercialiser « dans de bonnes conditions » d’où le nom donné à l’institution.

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Les conditions de vente restant encore trop sujettes à caution, la Chambre de commerce de Lyon confia des recherches à différents ingénieurs. Léon Talabot mit au point un nouveau procédé adopté en 1873 et amélioré par Jean Persoz avec le concours du constructeur lyonnais Rogeat.

Les banques de dessiccation puis, beaucoup plus précis, les dessiccateurs cylindriques permettaient de procéder à la dessiccation (dessèchement) d’échantillons de soie prélevés dans les ballots. Les matteaux de soie (écheveaux liés entre eux) étaient suspendus dans des étuves dans lesquelles circulait un courant d’air chaud afin d’obtenir un degré d’hygrométrie déterminant le poids marchand du ballot de soie.

En prélevant des échantillons, en les pesant après dessiccation on pouvait déterminer le poids réel de la soie, mettre d’accord vendeurs et acheteurs et la commercialiser « dans de bonnes conditions » d’où le nom donné à l’institution.

Conditionner
Développements
Création de la Caisse d'épargne et nouveaux travaux
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14

La création de la Condition des soies aura donc bien donné le coup de fouet nécessaire pour le redémarrage de l’activité de prêt sur gages. La lente remontée des prêts constatée dans les années 1799-1815 s’accentue pour atteindre au début des années 1870 un niveau moyen de l’ordre de 20.000.

Mais le Mont-de-piété n’a toujours pas d’existence juridique officielle, ce que le préfet de Vaucluse rappelle aux administrateurs. Dans sa séance du 28 octobre 1831, l’administration du mont s’étonne « considérant qu’elle ne pouvait présumer qu’un établissement charitable, existant depuis près de trois siècles et autorisé par le Souverain, eut besoin de nouvelle confirmation que d’ailleurs elle ignorait l’existence de cette loi dont les termes sont formels » et demande « que le mont de piété d’Avignon soit reconnu et confirmé ». Sur la base d’un nouveau règlement rédigé par les administrateurs, le Mont-de-piété d’Avignon est enfin « autorisé » par ordonnance royale du 27 janvier 1832.

Développement
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15
Indépendance
de la Caisse d'épargne et derniers travaux (1850- Années 1920)

Selon les administrateurs, le Mont-de-piété d’Avignon a une « activité moyenne ». Une enquête conduite en 1871 montre qu’il n’est qu’au 15ème rang national pour le montant des sommes prêtées et au 21ème pour ce qui touche aux nombres de gages déposés. Il est néanmoins prospère et persévère dans ses missions charitables et salvatrices que les chiffres prouvent : plus grande durée pour les prêts (32 mois), modicité historique de son taux d’intérêt et une reprise des gages à hauteur de 96%. Sa gestion est de qualité et ses administrateurs y font de longues carrières, bénévoles : Esprit Requien, Antoine Rouvière, Aimé Vincenti, Eugène Reynaud-Lacroze, Charles Luquin exercent leurs fonctions durant plusieurs décennies. L’œuvre rend compte, est contrôlée, se soumet aux remarques qui lui sont faites et adapte sans cesse son organisation.

 Le groupe se tient dans le bureau des opérations   d’engagement, derrière la grande baie donnant sur la   salle où se tenait le public. Cette zone correspond   aujourd’hui à la salle de classement des Archives   municipales d’Avignon. 

Indépendance
Fin
de la condition des soies
(1880-1931)
16

Pour cela on utilise une partie de l’étage de la Condition à laquelle on ajoute un plancher mais aussi, en annexe, une partie du rez-de-chaussée des magasins du Mont-de-piété. ce qui justifiera en 1922 le percement d’une porte avec quai et rails de déchargement sur la rue de la Croix.

 

Ces adaptations ne peuvent enrayer la dégradation de l’activité, patente depuis 1914. A compter de cette année, la condition est systématiquement déficitaire. La concurrence des soies orientales, celle des soies synthétiques qui font leur apparition et la forte et inexorable dégradation de la production régionale vont avoir raison de l’institution.

La fin de la Condition des soies

 

C’est dans les dernières décennies du XIXème que l’activité de la Condition commence à fléchir. Pour preuve cette décision du 22 avril 1881 de supprimer temporairement le loyer que la Condition des soies paie au Mont-de-piété, loyer qu’elle ne peut plus assumer : il ne sera jamais rétabli.

En 1912, donnant suite à une pétition, on ouvre un magasin général des soies, sorte d’entrepôt spécialisé

« recevant les matières premières, les marchandises et les objets fabriqués, que les négociants et industriels veulent y déposer » préfigurant les fonctions de garde-meuble qu’assumera plus tard le Mont-de-piété.

fin de la condition
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Du Mont-de-piété
au Crédit municipal (1920-2010)

Vers le Crédit municipal

 

Ayant perdu ses deux précieuses annexes l’activité s’affaiblit de manière progressive et l’institution, à l’échelle nationale, voit sa position moyenne reculer. Les engagements s’effondrent, passant de 20.000 opérations en 1900 à près de 3.600 en 1930. Pour la première fois depuis plus de trois siècles, les administrateurs du Mont-de-piété semblent à court d’idées et l’établissement paraît se replier sur lui-même.

En 1944, répondant à un questionnaire de la Conférence permanente au sujet des difficultés rencontrées, la position du conseil est nette : « Oui, difficultés très grandes depuis les deux guerres, mais encore plus prononcées depuis 1939 » le public, par crainte de pertes de gages (réquisitions, bombardements…) ayant procédé à des dégagements massifs. Et sollicités pour donner des suggestions permettant d’améliorer le rendement des établissements, les administrateurs font l’éloge de la fonction de garde-meubles annexé au magasin général qui a permis d’équilibrer la comptabilité de 1943 et de recommander « fortement ce service qui permet d’occuper les magasins vides, ne demande pas beaucoup de frais etc. » et dont le produit des tarifs est d’un précieux concours.

Du mdp au cm
Réemploi du bâtiment
installation des Archives municipales d'Avignon
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18

Le départ, en 1985, des locaux de la rue Saluces pose cependant une question fondamentale, celle du devenir de ses « vieux murs ».

Les bâtiments de l’ancien Mont-de-piété et de la défunte Condition des soies représentent alors une surface de plus de 2.500 mètres carrés de planchers et si l’immeuble de la condition a trouvé un nouveau destin en étant devenu l’un des lieux de spectacle du Festival Off, celui du Mont-de-piété apparaît d’un réemploi beaucoup plus difficile. Certes l’immeuble n’est alors ni classé ni inscrit à l’inventaire des monuments historiques mais sa nature comme son histoire le rangent de fait dans cette catégorie. C’est toutefois sa structure et son organisation interne, qui représentent les plus grandes contraintes en vue de sa réutilisation. En effet, l’essentiel est constitué de trois vastes magasins voûtés, destinés à entreposer les gages, entièrement équipés d’étagères posées au XIXème siècle.

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Mémoire
de l'institution et des lieux

La mémoire de l’ancien mont-de-piété de la ville d’Avignon, le plus ancien de France, est donc entièrement
fixée dans les lieux de ses origines, entre l’ancien planet de
Saluces et la rue de la Croix. Elle se lit par le biais d’un patrimoine varié autant qu’évocateur.

Son patrimoine bâti tout d’abord sur lequel toutes les précisions nécessaires ont été données, parfaitement visible bien que situé dans un quartier aux accès discrets. Son patrimoine documentaire ensuite restituant plus de quatre siècles d’une histoire exceptionnelle, unique en France, parfaitement conservé. Son patrimoine matériel également, constitué d’objets particuliers et rares, parfois de pièces uniques réalisées «sur mesure» pour l’institution, de petits objets pouvant illustrer la vie quotidienne d’une administration au long passé. Son patrimoine artistique enfin, étroitement lié à ceux qui ont construit au fil des siècles l’institution, donateurs, bienfaiteurs, administrateurs de l’ancien mont et qui demeure présent dans les espaces ouverts au public autant que dans ceux dédiés au travail.

Pour cela on utilise une partie de l’étage de la Condition à laquelle on ajoute un plancher mais aussi, en annexe, une partie du rez-de-chaussée des magasins du mont-de-piété. ce qui justifiera en 1922 le percement d’une porte avec quai et rails de déchargement sur la rue de la Croix.

 

Il n’y a donc bien que les gages, ce «bien des pauvres», ces millions d’objets qui y ont séjourné et qui n’auront pas été conservé, par nature et par logique de fonctionnement. Ils sont pourtant toujours bien présents, enfouis dans ces milliers de pages où ils sont décrits et où ceux qui furent leurs propriétaires ont un nom, celui que portent les gens
simples, pauvres conjoncturels, indigents temporaires dont l’Histoire n’aurait pu se souvenir s’ils n’avaient eu recours aux précieux services de l’institution.

Réemploi du bâtiment
Mémoire
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Bibliographie

Bibliographie générale

 

BERIOU Nicole et CHIFFOLEAU Jacques (dir.), Economie et religion, l’expérience des ordres mendiants (XIIIe-XVe siècles), Lyon, 2009.

BRAUDEL Fernand, Civilisation matérielle, Economie et Capitalisme, XVe-XVIIIe siècles, Paris, 1979, 3 vol.

BRAUDEL Fernand et LABROUSSE, Etienne (dir.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, 1970-1982, 8 vol.

FAVIER Jean, Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 1993.

FONTAINE Laurence, L’économie morale, Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, 2008.

FOURQUIN Guy, Histoire économique de l’Occident médiéval, Paris, 1969.

GUTTON Jean-Pierre, La société et les pauvres en Europe (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, 1974.

LALLEMAND Léon, Histoire de la Charité, Paris, 1902, 5 vol.

LAROUSSE Pierre, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1866-1876, 15 vol.

MOLLAT Michel, Les pauvres au Moyen-âge, Paris, 1978.

PIRENNE Henri, Histoire économique et sociale du Moyen Age, Paris, 1969.

VACANT Alfred et MANGENOT Eugène (dir.), Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1946, t.15.

VALRAN Gaston., Misère et Charité en Provence au XVIIème siècle. Essai d’histoire sociale, Paris, 1899.

VAUCHEZ André (dir.), Dictionnaire Encyclopédique du Moyen Age, Paris, 1997, 2 vol.

Comme l’ensemble des contenus de l’exposition, la bibliographie n’a pas fait l’objet d’actualisation depuis l’exposition initiale (2010)

L’exposition virtuelle Du Mont-de-piété au Crédit municipal est la transposition d’une exposition temporaire réalisée par les Archives municipales d’Avignon. Inaugurée le 18 septembre 2010, l’exposition initiale a été présentée pendant 2 mois dans la cour intérieure du bâtiment sous la forme de panneaux. Elle a été accompagnée et prolongée par un catalogue d’exposition.

Remerciements

L’ensemble des agents du service des archives ayant participé à ce projet d’une manière ou d’une autre, nos remerciements s’adresseront donc à eux en priorité.
Sont également remerciés, pour leur aide toujours précieuse, les services et personnes suivantes :

La direction des Bâtiments communaux et plus particulièrement M. Robert Barquet et ses équipes,

La direction Cadre de Vie et des Espaces Verts et tout spécialement MM. Laurent, Bizot ainsi que les agents qu’ils encadrent,

La direction des Finances et M. Olivier Leroy,
L’équipe du service de la Reprographie,
La médiathèque Ceccano,
Mme Claudine Bensasson.

Crédits

Nos remerciements s’adressent aussi aux personnes, entreprises ou organismes suivants :

  • Christophe Botton,

  • Frédéric Clap,

  • Daniel Cunin,

  • Fabrice Lepeltier,

  • Olivier Huet,

  • Yves Muller,

  • Jaydie Putterman,

  • M. le chanoine

  • Jean Philibert,

  • Jean-Dominique Faedda, directeur de la Caisse de Crédit municipal d’Avignon, 

  • La Direction régionale des affaires culturelles et Mme Christine Oculi,

  • l’Imprimerie De Rudder,

  • l’Espace Dupont,

  • la société Arkhenum,

  • la société Factotum.

Une production Ville d'Avignon

Réalisation originale

Archives municipales, 2010

Transposition virtuelle

Archives municipales, 2021

Commissariat général

Sylvestre Clap, directeur des Archives municipales d’Avignon

Textes

Sylvestre Clap

Documentation et recherches

Corinne Roux, Bibliothécaire, adjointe au directeur

Martine Bricard, Chargée des fonds

Mireille Vernet, Chargée des fonds iconographiques

Danièle Badois de la Mission de l'Inventaire

Numérisation et traitement des images et des documents numériques

Sophie Ambrosio, Chargée des fonds iconographiques,

Daniel Spadoni, Responsable NT,

Société Arkhenum

Transposition virtuelle

Anna Furget--Bretagnon et Aure Lecrès, Archives municipales

Crédits documents

Sauf mentions contraires, les documents illustrant cet ouvrage proviennent des Archives municipales d'Avignon. Les autres provenances sont indiquées dans les légendes.​

Crédits photographiques

Sauf mention contraire, les photographies ont été réalisées par le personnel des Archives municipales d'Avignon. 

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