Le 11 février est la journée internationale des femmes et des filles de science. Une journée encore nécessaire. Mais pourquoi ? Surtout, qu'est-il possible de faire pour que la situation s'améliore ?


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    « Pour le moment, j'ai de la chance car je n'ai pas tellement de conséquences sur ma carrière, mais c'est dur de dire que j'ai de la chance. » Ces mots sont ceux d'Alexandra Gros, jeune chercheuse en neurosciences. Sa chance ? Celle de ne pas subir de préjudices dus à son genre. « Mais malgré tout, les femmes sont moins présentes aux postes à responsabilités et sur-représentées dans les postes de techniciennes », observe-t-elle dans son domaine de recherche. Bien que celui-ci touche à la biologie, où davantage de femmes sont employées par rapport à d'autres sphères scientifiques, perçues comme plus masculines.

    Devant ce constat, Alexandra Gros espère que la journée internationale des femmes et des filles en science mette en lumière les obstacles que celles-ci peuvent rencontrer, les avancées auxquelles elles contribuent, et peut-être, quelques solutions. Un terrain sur lequel Céline Jégat la rejoint. Doctorante en chimiechimie, Céline Jégat estime que cette journée aide les jeunes femmes à identifier des scientifiques épanouies dans leur domaine, grâce à l'attention médiatique qui en découle. Des scientifiques servant alors « de modèles [qui aident] les jeunes femmes à se projeter et à se sentir légitimes ».

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    Une retombée d'autant plus importante que la question de la légitimité semble récurrente. Certaines personnes parlent d'autocensure des femmes. Céline Jégat a remarqué ce phénomène chez les jeunes femmes « qui se disent ne pas être compétentes pour des métiers scientifiques ». Ce raisonnement est également présent chez les étudiantes de Wafa Bouaynaya, maîtresse de conférences en systèmes d'information : « Elles se croient moins aptes à assurer des études longues ou à se présenter à des concours nationaux. » Une conviction - erronée - liée « à la perception des disciplines scientifiques par la société ». Mais « la science n'a pas de genre », assène Wafa Bouaynaya, à l'heure où moins de 30 % des chercheurs sont des chercheuses.

    Maternité, paternité, parentalité ?

    Cette certitude, Alexandra Gros la partage. En théorie, tout du moins. En pratique, ce genre se répercute dans la vie personnelle des femmes scientifiques - et sans doute, de l'ensemble des femmes. « Je souhaite avoir des enfants », confie-t-elle. Mais cela signifierait une baisse de productivité, et ce serait « problématique ». Une réflexion amplifiée par son genre : « Je n'ai pas l'impression que les hommes se posent autant la question, parce que ça les impacte moins. Au départ en tout cas. Par exemple, pendant la grossessegrossesse, je ne pourrais pas utiliser certains produits dangereux, ce qui limite mes expériences. Je devrais demander de l'aide. Sans compter la fatigue due à la grossesse. »

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    Les freins associés à la maternité sont fréquents dans le monde du travail. Dans la recherche, ils seraient exacerbés. « Je ne connais que très peu de personnes qui ont pris un congé parental dans le domaine de la recherche », témoigne Alexandra Gros, précisant « qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes ». Suite à cette nouvelle parentalité, les inégalités se creuseraient. Puisque « le soin des enfants est encore majoritairement géré par les femmes ». Des tâches qui ne seraient pas vues par tout le monde comme chronophages et épuisantes. La jeune chercheuse a remarqué, régulièrement, « des directeurs demander à des mamans en congé maternité d'écrire un article, ou d'avancer sur tel ou tel truc, parce qu'elle a le temps quand le bébé dort ».

    Quelques améliorations

    Alexandra Gros accorde à cette journée une importance particulière, pour lutter contre le sexisme qui sévit dans la société et donc en science. Par exemple, « les travaux scientifiques des femmes sont encore trop souvent dénigrés et invisibilisés au profit d'hommes [...] alors que les femmes sont talentueuses et que se passer de leur vision dans la recherche et dans les sciences peut entraîner des biais importants », affirme-t-elle.

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    Ce sexisme se ressent également dans les comportements, « volontaires ou non », précise Céline Jégat. « Les femmes se font plus souvent couper la parole en réunions et doivent plus fréquemment se justifier, il est aussi souvent insinué qu'un homme serait préférable à une femme dans un poste de direction, car plus à même d'être ferme et de défendre les intérêts de la structure », s'aperçoit Céline Jégat. À cela, Alexandra Gros rajoute « que leurs idées sont souvent moins bien jugées que quand c'est un homme qui les énoncent ». 

    Pour pallier cela, ces deux scientifiques regorgent d'idées. En voici une liste non exhaustive :

    • éviter les réunions le soir, qui excluent d'office les jeunes parents et plus souvent les mères ;
    • installer des crèches avec suffisamment de places dans les établissements de recherche ;
    • mettre en place des choses simples pour faciliter la maternité, comme des réfrigérateurs à disposition dans l'infirmerie pour conserver le lait tiré ;
    • sensibiliser au rôle des quotas, auxquels certaines personnes rétorquent qu'être une femme n'est pas une compétence ;
    • instaurer des temps de parole en réunion ;
    • plus de mises en avant des femmes de science ;
    • des dispositions pour contrer l'autocensure des femmes ;
    • Davantage d'expertes dans les médias.

    Reste à y allouer les fonds nécessaires.