Évaluer le CETA: une webconférence

La webconférence Évaluer le CETA : acquis, problèmes et contexte international offre un premier échange entre académiques européens et canadiens sur les acquis, les problèmes et le contexte international de l’Accord Économique et Commercial Global entre l’Union européenne et le Canada (AECG/CETA en anglais) qui est entré en vigueur à titre provisoire le 21 septembre 2017. Les dimensions économiques, commerciales et juridiques de l’accord, ainsi que sa place dans le contexte de la crise du commerce mondial et du COVID-19 ont servi de cadre à cette discussion interdisciplinaire.

La Présidente de l’IEE, la professeure Ramona Coman, a salué, dans ses mots d’introduction, cet « échange riche et interdisciplinaire entre des académiques européens et canadiens afin d’examiner cet accord dans ses aspects économiques, commerciaux et juridiques ainsi que sa place dans le contexte du commerce mondial et du COVID19 ». La webconférence a réuni une trentaine d’académiques et d’experts.

Organisé en partenariat avec l’Ambassade du Canada, le débat a été ouvert par S.E. Monsieur Olivier Nicoloff, Ambassadeur du Canada auprès du Royaume de Belgique et auprès du Grand-Duché de Luxembourg.

La dimension économique et commerciale du CETA

Le débat a commencé avec l’intervention du professeur André Sapir (IEE-ULB et Bruegel) « Le CETA : quelle signification économique et commerciale pour l’UE ? ». Pour Sapir, jusqu’à présent, le commerce bilatéral entre l’Union européenne et le Canada reste relativement modeste, représentant le CETA une opportunité de changer cette situation. Mais il reste prudent : il est trop tôt, considère Sapir, pour savoir qu’elle sera l’impact de l’accord.

Encore mal connu des opérateurs économiques, signale Prof. Sapir, le CETA n’est qu’un partenariat parmi les nombreux de l’Union européenne dans le contexte commercial et économique international.

Le professeur Christian Deblock, de l’Université de Montréal a présenté la conférence « L’AECG, un accord novateur ». Pour Prof. Deblock, la plus grande innovation -et peut-être aussi le plus grand défi- de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada réside dans sa dimension réglementaire. La question qui se pose, selon lui, est de savoir si la motivation sera présente chez les négociateurs et les hommes d’affaires ‘roués aux pratiques nord-américaines’ pour participer d’un partenariat qui, en intégrant la coopération réglementaire, peut devenir trop compliqué et une source de désillusion des deux côtés de l’Atlantique.

La dimension juridique du CETA

Pour évaluer le CETA dans sa dimension juridique, la professeure Marianne Dony (IEE-ULB) a passé en revue « Les enseignements de l’avis 1/17 de la Cour de justice ». Dans un contexte de débat sur la protection des investisseurs, et tout particulièrement les procédures arbitrales dites RDIE, et à la suite du véto de la Région wallonne au CETA, la Cour a choisi, explique Prof. Dony, « d’acter un certain progrès dans la conciliation des droits des investisseurs et du pouvoir des États de réglementer dans l’intérêt général ».

La Cour a été novatrice, signale la professeure Dony, et a abordé la question du ‘gel réglementaire’ en indiquant qu’un accord « ne peut avoir pour conséquence que l’Union doive modifier ou retirer une réglementation en raison d’une appréciation faite par un tribunal arbitral du niveau de protection d’un intérêt public fixé par ses institutions car il compromettrait la capacité de l’Union à fonctionner de manière autonome dans son propre cadre constitutionnel ».

Le professeur Richard Ouellet (Université de Laval) s’est penché sur la suite nécessaire à la mise en place de l’accord dans sa conférence « Au-delà de la ratification, que reste-t-il à faire pour mettre en œuvre l’AECG ». Pour Prof. Ouellet, l’AECG est un chantier, un processus d’intégration qui reste en partie à construire et dans lequel sont engagés le Canada et l’UE.

« L’AECG n’est pas un tout à prendre ou à laisser. L’AECG est à construire ensemble »

Richard Ouellet considère que ne pas ratifier l’AECG, « c’est rompre un dialogue qui porte ses fruits pour les deux parties ». En cette « ère de stagnation du multilatéralisme économique, ni le Canada ni l’UE ne peut se passer de l’AECG », dit Prof. Ouellet.

Le CETA dans le contexte de la crise du commerce mondial

Le contexte international et la recherche de nouvelles voies d’entente a été au centre de la présentation du professeur Mario Telò (IEE-ULB et LUISS). Sa contribution « Le CETA au centre de la nouvelle politique commerciale de l’UE : acquis et défis » a mis l’accent sur l’impact du contexte actuel sur le multilatéralisme global.

« La crise de l’OMC est profonde, car les États-Unis ne sont plus intéressés et la Chine défend le statu quo, alors que l’OMC nécessite des réformes »

Pour Prof. Telò, le CETA/AECG indique la voie en faveur du multilatéralisme, parce que, entre autres, l’accord aborde des questions qui étaient en suspens dans le Cycle de Doha, i.e. l’économie digitale.

La professeure Michèle Rioux (Université de Montréal) s’est focalisée sur « Le commerce progressiste et l’AECG – l’enjeu du travail ». Pour Prof. Rioux, l’accord représente « une rencontre de deux modèles en matière de gouvernance du travail liée aux accords commerciaux ».

La professeure a souligné les ponts qui unissent les deux partenaires en ce qui concerne les normes qui réglementent le travail et a mis en valeur des dispositions de l’article 23, comme l’engagement au respect des normes du travail définies par l’Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que les conventions fondamentales de l’OIT. Roiux a mentionné aussi le fait que « les parties ne peuvent ignorer ou abaisser les normes du travail en vue de stimuler le commerce ».