Pour son premier déplacement à l’étranger en tant que président réélu, Emmanuel Macron a choisi… Berlin. Signe de l’importance de l’alliance franco-allemande mais aussi de son engagement pour l’Europe.

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Juste avant d’arriver en Allemagne, dans un discours sur sa volonté de réformer l’Europe prononcé au Parlement européen, le chef d’État a prévenu qu’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne prendrait « des décennies ». En attendant, il a proposé d’associer l’Ukraine à une « communauté politique européenne ». Cette organisation « permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération », a-t-il expliqué.

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Cette institution pourrait accueillir l’Ukraine, le Royaume-Uni, mais aussi des pays peu avancés sur la voie de l’adhésion, comme la Bosnie-Herzégovine. Une façon pour eux de se lier à l’Union en attendant l’achèvement des très longues procédures d’adhésion, ou en remplacement d’une appartenance dans le cas de la Grande-Bretagne, a pris comme exemple Emmanuel Macron.

La « confédération européenne » de François Mitterrand

Cette idée, que le chancelier allemand Olaf Scholz a diplomatiquement jugé « très intéressante », ressemble fortement à celle de la confédération européenne qu’avait proposée François Mitterrand en 1989. Deux mois après la chute du mur de Berlin, le président socialiste évoquait ce projet afin d’offrir une structure d’accueil aux pays d’Europe centrale qui venaient d’être libérés. Une sorte de sas avant d’entrer dans la Communauté économique européenne (CEE), qui comptait alors 12 pays.

« Il faut organiser une perspective pour tous les pays qui adhéreront à la démocratie et qui ne pourront pas (…) adhérer à la CEE, qui ne peut s’enfler indéfiniment, déclarait-il. Pourquoi ne pas imaginer une structure plus souple que la Communauté où l’on pourrait discuter d’intérêts économiques, culturels et travailler ensemble autour d’un organisme permanent représentatif de tous ? », s’interrogeait François Mitterrand en compagnie du chancelier ouest-allemand Helmut Kohl.

L’objectif est multiple. Offrir aux pays de l’Est un cadre de coopération politique européen sans l’appui des États-Unis, afin que l’Europe devienne pleinement européenne. Mais, surtout, habituer les pays à travailler ensemble pour que l’élargissement de la CEE ne se fasse pas dans la précipitation. « Il s’agissait d’aller le plus loin possible dans l’union, de coopérer au maximum, sans pour autant entraver le fonctionnement communautaire », a résumé le ministre des affaires étrangères de l’époque, Roland Dumas (1).

Les assises de Prague enterrent le projet

Au départ, le projet est plutôt bien reçu. Durant un an et demi, François Mitterrand profite de chacun de ses voyages en Europe pour convaincre ses interlocuteurs. Puis arrivent les assises de Prague qui réunissent, en juin 1991, 150 représentants de tous les pays européens mais aussi des participants américains, canadiens, japonais. Une réunion qui va enterrer la proposition mitterrandienne.

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D’abord parce que l’idée de sas est finalement mal accueillie par les pays de l’Est qui ont l’impression que la confédération est un moyen pour la France de freiner l’élargissement de la CEE. Ensuite, parce que François Mitterrand avait invité l’URSS à en faire partie. Or, les pays de l’Est ne voulaient pas entrer dans une organisation avec les Soviétiques alors qu’ils venaient d’échapper à leur emprise. De nombreux pays de l’Ouest percevaient également d’un mauvais œil cette présence encombrante.

Le projet échoue et ne refait plus surface, au grand dam de François Mitterrand. Hubert Védrine, porte-parole du gouvernement de l’époque, a ainsi répété plusieurs fois que c’était « une idée lancée trop tôt ». La « communauté politique européenne » souhaitée par Emmanuel Macron pourrait lui donner raison.

(1) Dumas Roland. Un projet mort-né. La Confédération européenne. In : Politique étrangère, n° 3, 2001, 66année.