Tricherie inévitable, coûts pour les citoyens, dérive réglementaire européenne : le tout à la voiture électrique fustigé dans un nouveau rapport
Une étude épingle “la dérive réglementaire européenne” qui fait la part belle aux véhicules haut de gamme.
- Publié le 08-12-2022 à 09h00
Il ne faudrait pas l’oublier : la marche forcée désormais imposée par l’Europe aux constructeurs automobiles pour une offre exclusive de véhicules à zéro émission à l’horizon 2035 résulte d’un constat d’échec : le secteur du transport devait réduire ses émissions de CO₂ de 40 % pour 2019 par rapport à 1990, rappelle à ce titre une étude sur “la dérive réglementaire européenne” menée par Etui, à savoir l’Institut syndical européen qui est le centre indépendant de recherche et de formation de la Confédération européenne des syndicats (CES). Dans les faits, les émissions de CO₂ ont augmenté de 32 % au cours des 30 dernières années, les voitures particulières représentant 43 % du total des émissions du secteur des transports.
"La proposition 'Fit for 55' est une reconnaissance lucide des échecs des paquets réglementaires sur le CO₂ de ces 30 dernières années. Si rien ne peut justifier moralement le comportement de l’industrie automobile européenne (ni celles des marques étrangères présentes en Europe), il est également important de souligner combien ce résultat répréhensible est la conséquence logique de l’institutionnalisation par l’Union européenne de la montée en gamme de l’industrie", souligne l’auteur de ce rapport, Tomma Pardi, à propos des normes imposées à l’avenir pour les voitures et les véhicules utilitaires légers.
Le Dieselgate, scandale logique ?
Que s’est-il passé ? Les voitures d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec la flotte d’il y a une vingtaine d’années. Entre 2001 et 2015, la voiture européenne a gagné 10 % en poids et 26 % en puissance moteur. Ces deux facteurs combinés entraînent, pointe l’auteur, une augmentation de 21 % des émissions de CO₂. Or, dans les faits, ce sont les règlements européens qui ont poussé les constructeurs dans cette voie. L’auteur épingle à ce sujet "la dérive réglementaire vers le haut de gamme". Une voiture premium pesait en moyenne 1 622 kilos en 2008, soit 328 kilos de plus, en moyenne toujours, qu’un véhicule d’un constructeur généraliste.
Le scandale du Dieselgate, qui a éclaté en 2015, est finalement "le résultat logique" de cette distorsion entre les objectifs imposés par l’Europe et des voitures finalement plus polluantes. "En ajoutant autant de poids et de puissance en moyenne à une nouvelle voiture, il était devenu impossible pour l’industrie automobile européenne d’atteindre sans tricher les objectifs de CO₂ fixés par la Commission européenne", estime Tomma Pardi.
Une autre dérive, depuis lors, a vu le jour, cette fois avec les voitures électriques, remarque encore l’auteur de l’étude. Là encore, le surpoids est problématique. Un véhicule électrique a pris près de 600 kilos en plus au cours des dix dernières années. Le poids augmente logiquement la consommation d’électricité, qui n’est pas forcément verte. "Cela réduit de manière significative les bénéfices environnementaux d’un véhicule électrique." Tomma Pardi rappelle encore que le cobalt, le lithium et le nickel sont des matières rares, et que leur extraction est polluante. Leur cours a fortement progressé au cours des dernières années en raison de la demande accrue, notamment des constructeurs chinois, ce qui pousse logiquement vers le haut le prix d’un véhicule électrique.
Fossé croissant
Cette montée en puissance vers le plus haut de gamme pourrait bénéficier aux constructeurs chinois. "Si les constructeurs automobiles généralistes européens décidaient de se retirer du marché de l’entrée de gamme, ce seraient les constructeurs automobiles généralistes chinois qui prendraient leur place." Autant ils étaient largués pour l’offre de moteurs conventionnels, autant ils bénéficient cette fois d’un avantage concurrentiel grâce notamment à une force de frappe soutenue par un marché domestique important.
Ce tout à l’électrique à l’horizon de 2035 et d’une offre de plus en plus concentrée sur ce seul segment bien avant cette date chez certains constructeurs pose logiquement la question du côté abordable sur le plan financier d’un tel véhicule. Tout le monde ne pourra sans doute s’offrir une voiture électrique pour 2035, d’où le maintien sur les routes de voitures diesel et essence achetées avant cette date couperet. Et ce sont justement ces "citoyens européens qui devront supporter les coûts économiques et sociaux de conserver des voitures avec moteur à combustion vieillissantes qui seront de plus en plus pénalisés et taxés". De plus, le "fossé" entre les pays d’Europe du Nord, plus riches, et les pays de l’Est et du Sud va encore un peu plus se creuser.