Bruno Le Maire : « si on n'y prend pas garde, la transition écologique peut être le vecteur d'une révolution sociale et politique »

VIDEO. On dit souvent que les derniers convertis sont les plus sincères. Entendre un ministre de l'Economie et des Finances se présenter comme « un apôtre totalement résolu de l'accélération de la lutte contre le changement climatique, de la défense de l'environnement et de la biodiversité » est inhabituel. Le voir reprendre la thèse de Nicolas Hulot consistant à redistribuer le produit des taxes carbone pour les affecter à la transition écologique, est un engagement fort. Le patron de Bercy défend dans cet entretien, réalisé jeudi 30 septembre lors du Transition Forum à Nice, sa vision des transformations économiques que va engendrer la lutte pour le climat dans la décennie à venir. Energies nucléaire et renouvelables, Europe des batteries, hydrogène, Bruno Le Maire plaide pour une accélération des investissements verts quitte à sortir pour cela des règles du pacte de stabilité budgétaire européen.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

VIDEO : La transition écologique, révolution industrielle du 21ème siècle.

Conversation avec Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, des finances et de la relance

Propos recueillis par Philippe Mabille, directeur de la rédaction de la Tribune, au Transition Forum de Nice.

ENTRETIEN.
 
Vous aviez dit vouloir mettre le quinquennat d'Emmanuel Macron au service de la transformation économique. Sommes-nous prêts pour une décennie de transformation écologique ?
 
Cela fait presque 5 ans que je suis ministre de l'Economie et des Finances, ce qui donne un peu de recul et permet de mesurer ce qui reste à faire. Nous avons deux défis devant nous. Ces défis nous engagent pour le siècle à venir et vont définir la place que la France occupera sur la scène internationale ainsi que notre capacité à faire face au changement climatique.

Le premier défi est technologique. Nous sommes confrontés à des révolutions technologiques qui vont redéfinir l'ordre des puissances au 21ème siècle. A quoi cela sert d'être souverain politiquement si pour guider nos voitures, la 5G est américaine et les batteries chinoises, si l'énergie consommée dépend du gaz russe et si les satellites sont lancés par des lanceurs russes, chinois ou américains ? Au final, vous dépendez des autres grandes nations. Le premier défi pour la France et l'Europe, c'est donc de maîtriser les nouvelles technologies, qui sont partie-prenantes de notre vie quotidienne et qui détermineront les nations indépendantes et les nations dépendantes. Je souhaite que la France reste une nation indépendante et souveraine : c'est pour cela que nous investissons massivement dans l'intelligence artificielle, le calcul quantique, le spatial, le nucléaire, l'hydrogène, les batteries électriques et les semi-conducteurs.

Le deuxième défi, c'est l'accélération du changement climatique. Nous avons fait beaucoup mais nous devons faire plus, que ce soit en France ou en Europe. C'est une course de vitesse dans laquelle nous sommes engagés. Nous sommes poussés par des générations qui nous disent : ouvrez les yeux, prenez conscience des conséquences dramatiques, allez plus vite. Réduire de 55% nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990 est un défi qui va impliquer de changer nos modes de vie. Nous allons devoir être beaucoup plus attentifs dans notre consommation et notre vie quotidienne. Par exemple, changer nos modes de transport : la voiture thermique, c'est fini dans un peu plus de 13 ans. Pour faire Paris-Bordeaux, il était assez courant de prendre l'avion. Désormais, c'est fini. On ne remettra pas une navette aérienne, car il y a une alternative en train qui met moins de 2h30.

Technologie et changement climatiques sont deux révolutions considérables qu'il va falloir continuer de prendre à bras le corps. On pensait qu'on pouvait négliger les problématiques climatiques, on ne peut plus se le permettre, mais on se rend compte des conséquences multiples que cela va avoir. Avec dans l'industrie automobile et aéronautique, dans toute l'économie, une destruction rapide du capital existant qu'il va falloir remplacer et décarboner. Pour ces industries, cela veut dire des transformations et beaucoup moins d'emplois. Comment accompagner ceux qui travaillent dans ces secteurs ? Quels emplois, quelles formations pour l'économie de demain ?
 
Face aux deux défis que j'ai indiqués, il y a deux attitudes politiques possibles. La première est eschatologique, consistant à se projeter en disant que c'est insurmontable, que tout va s'effondrer et qu'il n'y a qu'à attendre la catastrophe. Et il y a la vision pragmatique, qui est la nôtre. Elle consiste à regarder les problèmes qui vont se poser pour en mesurer l'ampleur et y apporter des solutions. Il y a trois défis qui se posent et que nous avons à régler tous ensemble, en discutant avec les uns et les autres.

Le premier défi est l'innovation, car il y a des barrières technologiques qu'il va falloir franchir. Par exemple, l'obstacle du stockage de l'énergie renouvelable est difficile à franchir, mais il va falloir le faire, sans quoi les EnR ne permettront pas une continuité d'approvisionnement. L'hydrogène peut contribuer à la solution. Et pour que la France soit autonome en matière de production d'hydrogène vert, il faut maîtriser les technologies sensibles de l'électrolyse, la séparation du dihydrogène et de l'oxygène. Cela peut se faire par la technologie alcaline, un peu sommaire, par des membranes échangeuses de proton ou par des technologies encore plus pointues. Il faut lister les défis technologiques qui sont devant nous, poursuivre la recherche, rassembler la science européenne qui a des atouts considérables sur ces sujets, pour arriver à déplacer la frontière technologique. Pour réussir le défi climatique, il faudra prendre des risques technologiques infiniment plus importants, que ceux que les européens sont habitués à prendre. Il faut que nous retrouvions le gout du risque.

Le deuxième défi est financier. Je plaide pour qu'on rapproche environnement et finance. Pour tous les travaux dont je viens de parler, (l'hydrogène, les batteries électriques, le quantique), l'unité de compte, ce n'est pas la centaine de millions, c'est la dizaine de milliards d'euros. Cela questionne les règles européennes du pacte de stabilité et de croissance. Peut-on garder les règles de la fin des années 90, face aux défis des années 2030 ? Faut-il que ces investissements soient comptabilisés dans les règles du pacte de stabilité et de croissance ? Je pose simplement la question.
 
Le troisième défi, peut-être le plus difficile et le plus important, qu'on a négligé, c'est le défi social. Comment accompagner les secteurs perdants de la transition climatique. Je mesure à quel point si on n'y prend pas garde, la transition écologique peut être le vecteur d'une révolution sociale et politique.

Le résultat des élections allemandes vous donne de l'espoir pour changer les règle du jeu budgétaire en Europe ?
 
Je connais bien les responsables politiques allemands, que ce soit Olaf Scholz avec qui j'ai travaillé étroitement pendant trois ans ou Armin Laschet. Et nous allons continuer à construire avec eux. Sur un certain nombre de défis actuels, nous pouvons apporter des solutions conjointes. La relation franco-allemande était, est et restera moteur sur les sujets européens.


Si nous revenons au défi social que pose la transition écologique, qui seraient ces perdants ?

Prenons l'exemple de la suppression de la voiture thermique. Remplacer le moteur thermique par un moteur électrique dans lequel il y a 4 kg de matériaux, aciers, aluminium et autres, là où peut y en avoir 37 dans le moteur thermique, c'est une  menace importante pour des fonderies automobiles en France. 15.000 emplois sont concernés. Il faut donc les accompagner, notamment dans la reconversion.

Lors des précédentes élections, les hommes politiques allaient dans les usines pour dire aux salariés menacés par la fermeture de leur usine : « je vais vous sauver » ? Ce n'est plus possible aujourd'hui ? Il va falloir avoir l'honnêteté de leur dire : « je vais vous aider à vous former pour que vous changiez de métier ».
 
Quand je parle de transition juste, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Quand vous allez voir les ouvriers de la fonderie du Poitou pour leur dire que nous allons tenter de trouver des solutions, il faut leur expliquer que pour les moteurs thermiques, il y a encore des commandes pour quelques années. Que ce ne sera pas fini du jour au lendemain. Qu'après, ils pourront se reconvertir vers d'autres secteurs, comme l'aéronautique ou d'autres usages de l'acier. On accompagne chacun, pour qu'il n'y ait pas de perdants. On ne peut pas dire à un ouvrier : « désolé, il n'y a plus de travail pour vous. » Ce serait révoltant et injuste.
 
Il va falloir mettre beaucoup plus d'argent sur la table pour la formation et les reconversions ?

Oui. La France peut faire mieux en matière de formation, de qualification, d'accompagnement des salariés, de transition douce et juste. Il ne doit pas y avoir de place pour la brutalité dans notre société. Si vous allez expliquer à quelqu'un que la transition est brutale, qu'il va perdre son emploi, il va logiquement s'y opposer et se révolter. Il faut l'accompagner, le soutenir, lui proposer une formation. Il faut regarder ce que cela veut dire en termes de mobilité géographique entre sites industriels. Avec Jean Castex, nous relocalisons des emplois pour les ouvriers de l'usine MBF de Saint-Claude, dans le Jura, qui a fermé et où 300 emplois ont disparu. Il peut y avoir une entreprise pharmaceutique à proximité de l'ancien site pour employer des anciens salariés de la fonderie. C'est sur ce type de projet que nous travaillons.
 
On peut croire à votre sincérité sur la problématique de la transition énergétique. Mais on ne peut plus tarder. Plus on tarde, plus ce sera douloureux. Comment dire la vérité aux gens à l'approche de l'élection présidentielle sur ces questions-là ?
 
Je comprends le sentiment d'urgence des générations qui viennent et qui guident mon action. Je ne suis pas un écologiste de la première heure, mais en politique, prendre conscience de certains sujets fait partie du cheminement. Je suis devenu un apôtre totalement résolu de l'accélération de la lutte contre le changement climatique, de la défense de l'environnement et de la biodiversité. Parce que c'est le défi de notre génération et de celle qui vient.

Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Quand on veut aller vite dans ce genre de domaine, on court le risque de mentir à certains et de chuter. Faire en même temps la convergence du prix du diesel et de l'essence et la taxe carbone, était plein de bonnes intentions. Mais cela devenait très pénalisant d'utiliser le diesel et cela a conduit aux gilets jaunes. Il faut comprendre que pour aller vite, il faut systématiquement accompagner les salariés et les ménages. Cela coûte très cher ce qui nous ramène au problème financier. Pourquoi ne pas affecter les taxes sur les énergies fossiles à la transition écologique ?
 
C'est ce que demandait Nicolas Hulot à Emmanuel Macron...
 
Si vous n'évoluez pas en politique, en prenant conscience de certains sujets, autant changer de métier. Il sera nécessaire dans les années qui viennent, de regarder comment le produit d'une nouvelle taxe portant sur le CO2 ou les énergies fossiles, pourra revenir à la transition écologique.
 
Vous avez annoncé la fin du « quoi qu'il en coûte » de la crise sanitaire, qui a apporté 20% de dette publique. Va-t-on vers le « quoi qu'il en coûte » climatique ? Est-ce que c'est une dette ou un investissement ?
 
Je continue dans le caractère iconoclaste de mon propos, pour un ministre chargé des finances. Je suis frappé de voir que dans le débat politique français, certains recyclent les mêmes vieilles idées, alors qu'en des temps où il y a de telles révolutions devant nous, on a besoin d'être capable de casser un peu de vaisselle. Certains nous ont reproché d'avoir dépensé trop d'argent pendant la crise. Mais qu'est ce qui coûte le plus cher : 11% de chômage et 100.000 faillites, ou avoir dépensé 170 milliards d'euros pour protéger les salariés et les entreprises ? Je crois que cela coûte moins cher de dépenser de l'argent pour préserver les entreprises et les emplois, que de laisser la crise faire ses dégâts.

Le "quoi qu'il en coûte", ce n'était pas une dépense, mais un investissement. Si aujourd'hui nous avons une croissance de 6%, une économie qui redémarre, des créations d'emplois, de la pénurie de main d'œuvre, c'est parce que nous avons  eu la bonne stratégie. Ceux de mon ancienne famille politique qui nous critiquent aujourd'hui sont ceux qui lors de la crise financière de 2008 ont fait des choix différents. Ils n'ont pas protégé, ils ont creusé la dette, augmenté les impôts. Et en 2012, le résultat a été de conduire à 26% de dette supplémentaire, 11% de taux de chômage et 0% de croissance. Je préfère être en capacité de dire aux Français, j'ai dépensé votre argent, mais il y a en retour 6% de croissance, on sera sous les 8% de chômage d'ici 2022 et l'économie française se porte bien.

Même chose pour le climat. Qu'est ce qui coûte le plus cher : des centaines d'hectares qui brûlent, la destruction de nos paysages, des populations obligées de fuir parce que menacées par la submersion marine, ou l'investissement dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Je considère donc que la bonne dépense contre le réchauffement climatique et pour le climat n'est pas une dépense, mais un investissement.
 
La transition écologique bien menée peut-elle nous ramener vers le plein emploi ?

La réponse est oui. Mais y aura-t-il plus ou moins d'emplois dans l'automobile demain ? La réponse est moins. Même si, avec le Président, nous nous battons pour développer une filière automobile décarbonée en France. Nous allons ouvrir une usine de batteries dans le Nord et créer 1000 emplois, créer une chaîne de valeur de l'industrie automobile électrique. Mais nous aurons tout de même moins d'emplois qu'avec l'industrie automobile au temps du thermique. Je ne veux pas faire croire le contraire. Ce serait un mensonge.

Nous faisons donc émerger de nouvelles filières industrielles qui vont compenser ces pertes d'emplois. Par exemple, pour l'hydrogène, nous allons construire des usines d'électrolyse. Le modèle que nous défendons, contrairement au modèle allemand, n'est pas de produire de l'électrolyse à l'étranger pour rapatrier ensuite l'hydrogène en Europe, mais la création d'un écosystème complet, de la centrale nucléaire qui va produire l'électricité décarbonée aux sites de production d'hydrogène vert que nous sommes en train de  développer, en Normandie, à Belfort et ailleurs sur le territoire, à proximité des sites industriels. Ils serviront à la décarbonation de l'industrie, acier et ciment ainsi que pour la production d'hydrogène pour des flottes d'avions ou des trains. Cela représente à terme des dizaines de milliers d'emplois. Les emplois que vous allez perdre sur l'automobile thermique, vous pouvez les recréer par une nouvelle filière verte.
 
Qu'est ce qui permettrait à l'Europe de devenir un leader de cette révolution verte ? L'Europe, ce n'est que 7% des émissions, mais elle pourrait apporter ses réponses technologiques. Tous les vaccins contre le Covid sont d'origine européenne.
 
J'ai la conviction que si l'Europe est capable d'investir dans les nouvelles technologies, sera une des trois grandes puissances du 21ème siècle. Il y aura la Chine, l'Amérique et le continent européen.
 
Pas l'Angleterre du Brexit ?

La Grande-Bretagne s'est lancée dans un isolement qui la mènera dans une impasse.  Je respecte la souveraineté britannique, mais au 21ème siècle, regrouper les forces est plus efficace que les diviser. Quand vous avez affaire à une Chine qui investit massivement les nouvelles technologies, des Américains déterminés à gagner la course technologique, vous avez intérêt à faire pack commun et à investir ensemble. Pour les batteries électriques, nous n'aurions jamais créé d'usine en France si le projet d'alliance des batteries n'était pas un projet franco-allemand. Il faut une masse critique, pour pouvoir créer 1 million de batteries, pour être compétitif, il faut que les constructeurs allemands, français et italiens coopèrent. Aujourd'hui, on produit des batteries lithium-ion liquides, il faut que ce soit l'Europe qui soit la première à faire du lithium-ion solide. Sur l'hydrogène, il faut aussi qu'on maîtrise cette technologie mieux que les autres.
Sur les semi-conducteurs, aujourd'hui Taïwan et la Corée du Sud, font la course en tête. Sans semi-conducteurs, pas de batterie, pas de lanceur, pas d'industrie. Les semi-conducteurs sont clé. Qui aura accès le premier aux semi-conducteurs de 2 à 5 nanomètres ? L'investissement pour construire une usine capable d'en réaliser, c'est 60 milliards d'euros.

Pour gagner la course technologique, il faut aussi que l'Europe et la France retrouvent le goût du risque. Nos investissements ne seront pas toujours gagnants. Il y a des projets qui vont marcher, d'autres pas. Il faut accepter l'échec. Certains investissements seront à perte. Le patron de Moderna, Stéphane Bancel raconte que lorsqu'il a cherché des investisseurs, dans son pitch, il disait : « l'ARN messager, cela peut être zéro ou l'infini. Il faut mettre un milliard d'investissement, mais je ne vous garantis pas le succès ». Il n'a pas trouvé d'investisseur en Europe mais aux Etats-Unis. J'aurais préféré que cet infini soit européen plutôt qu'américain.

La France peut-elle encore défendre sa stratégie du nucléaire ? Il y a débat en Europe, pour l'inclure ou non dans la nomenclature de la taxonomie verte.
 
Il faut sortir de l'hypocrisie et de l'ambiguïté sur le nucléaire. Certains Etats disent  « jamais le nucléaire », mais lorsqu'il y a un pic de consommation, ils viennent se fournir à nos centrales ou pire, qui se reposent sur le gaz. Arrêtons l'hypocrisie et ayons le courage de dire à nos concitoyens en Europe, que sans le nucléaire, on ne boucle pas la consommation énergétique décarbonée en Europe.

Depuis des années nos ambiguïtés et nos doutes sur l'avenir du nucléaire en France, ont encouragés les jeunes à se détourner de cette filière. Pour rebâtir une filière compétitive et attractive, il faut dire haut et fort : je crois dans l'énergie nucléaire. Elle est indispensable à l'indépendance énergétique du pays. Ce n'est pas l'unique solution, mais un élément clé de notre mix énergétique. Dernier argument, on ne peut pas dire qu'on va multiplier les usages électriques et dans le même temps se priver d'une énergie décarbonée.
 
EDF est sur le point de racheter GE Steam Power, anciennement Alstom Power Systems, qui fabrique des turbines vapeur Arabelle. Société qui avait été vendue à GE au travers de la reprise des activités énergie d'Alstom. C'est pour corriger une erreur ? Et reconstituer une stratégie de « champion français dans le nucléaire ?
 
En soutenant cette opération, l'Etat dit clairement qu'il soutient le nucléaire en France. On ne soutiendrait pas le rachat des turbines Arabelle, si on n'y croyait pas. Autre signe de soutien : on a créé les universités des métiers du nucléaire avec France Relance. On a mis un demi-milliard d'euros du plan de relance pour travailler sur de nouveaux réacteurs de moyenne puissance et les compétences. Le choix qui a été fait par le président de la République, il l'a dit quand il s'est déplacé au Creusot, c'est que nous croyons  à l'énergie nucléaire.
 
Le plan France 2030 va succéder au plan de relance : quel sera son budget ? Et vaut-il mieux concentrer le tir sur quelques technologies ?
 
Je ne vais pas répondre au montant global, mais oui, il faut éviter le saupoudrage. Quand on annonce un plan d'investissement de quelques dizaines de milliards d'euros, on reçoit des milliers de projets d'investissements. Mais le principe de ce plan France 2030, c'est d'ouvrir quelques nouvelles filières industrielles dans les nouvelles technologies. D'accepter d'investir dans des domaines qui ne donneront pas forcément des résultats. C'est une approche différente de celle à laquelle on est habitué.
Elle suppose de concentrer nos moyens sur des filières qui répondent à trois critères : avoir des industriels prêts à développer ce sur quoi on veut investir, avoir un marché et avoir une technologie de rupture associée. Cela nous amène à la biotechnologie, à l'hydrogène, au calcul quantique, aux semi-conducteurs. On ne peut pas disperser nos moyens, car les tickets d'investissements sont trop élevés. Je préfère qu'on concentre les moyens et obtenir des résultats, plutôt que de les saupoudrer.
 
Est-ce que vous connaissez d'autres Stéphane Bancel qui mériteraient qu'on prenne des risques pour eux ?
 
Il y en a énormément. Ce qui me donne une confiance inouïe dans l'avenir français, c'est que je vois des jeunes de 20 à 25 ans qui mènent des initiatives dans tous les domaines. Le domaine d'excellence de la France, c'est son intelligence, son imagination, sa créativité intellectuelle. Le problème c'est qu'on n'a pas connecté ces startups sur les grandes industries. On a séparé les deux. Soyons honnêtes, les industries classiques n'ont aucun intérêt à se faire disrupter. On a dit « les startups, mettez-vous de côté. Surtout ne participez pas. »

Construire la France, ce n'est pas reproduire ce qu'on a fait dans le passé. J'ai la responsabilité du spatial et j'ai encore dans mes tiroirs la note d'un ingénieur du CNES qui nous expliquait que: « le lanceur renouvelable est un mauvais investissement, cela ne marchera jamais, il ne faut pas investir ». Résultat, on a eu Falcon 10, Falcon 9, le lanceur renouvelable d'Elon Musk et on cherche à rattraper notre retard. On va le rattraper sur les lanceurs. Mais on a commis l'erreur de penser que les plus grosses entreprises, les plus grosses institutions publiques étaient les seules à savoir ce qu'il fallait pour les pays. C'est faux. Ecoutons les disrupteurs, les chercheurs, les scientifiques, les intelligences nouvelles, les startups, tous ceux qui pensent différemment, parce que ce sont souvent eux qui ont raison.
 
The Economist a écrit qu'on allait connaître de nouvelles années folles, des « roaring twenties », qu'on est à l'aube de ruptures qui peuvent tout changer dans le sens d'une croissance qu'on n'avait pas connu depuis la fin de la première guerre mondiale.
 
La dernière fois, ça ne s'est pas bien terminé. Ce serait une erreur de se dire que notre horizon indépassable, que l'objectif, c'est d'avoir toujours plus de croissance sans réfléchir à quoi.
 
Vous n'êtes pas pour la décroissance quand même ?
 
Absolument pas. La décroissance, c'est l'appauvrissement des Français et le carburant pour des révolutions politiques. Mais il faut être vigilant à ce que cette croissance serve notre conception de l'humanité, aux relations que l'on a les uns avec les autres, qu'elle ait une utilité sociale. De ce point de vue, je suis très optimiste. A ceux qui regrettent le passé, je dis que lorsqu'ils seront touchés par un cancer et qu'on sera débarrassé des traitements invasifs, qu'on aura des traitements par ARN messager, on se dira que c'est mieux qu'hier. Que le jour où on aura des systèmes de guidage des voitures qui éviteront 3000 morts sur les routes, qu'on aura des systèmes de chauffage qui permettront d'avoir plus chaud l'hiver et moins chaud l'été, en consommant moins d'énergie, on se dira que c'est mieux aujourd'hui qu'hier.

Je crois que si nous mettons toutes ces révolutions technologiques au service de la lutte contre le réchauffement climatique et au service de l'amélioration de la condition humaine, la seule chose qui doit guider la science, alors le 21ème siècle sera l'antithèse du 20ème siècle, qui a été un siècle de barbarie, où les « roaring twenties », les fameuses « années folles » ont conduit à la pire des calamités politiques et au pire des massacres politiques que l'humanité ait jamais connu. Tirons-en la leçon, pour mettre la croissance au service d'un projet humain.

Philippe Mabille
Commentaires 25
à écrit le 07/10/2021 à 18:26
Signaler
Arrêtez de nous convaincre qu'une innovation est un progrès, elles ne font qu'augmenter les inégalités et la corruption!

à écrit le 07/10/2021 à 13:12
Signaler
Les mêmes qui ont planté le pays depuis l'ère Mitterandienne nous explique qu'il faut faire la transition ... La seule transition que j'espère, c'est une transition de profils et non cette fausse diversité de genres ... A ce jeu, l'ENA devrait être ...

à écrit le 07/10/2021 à 13:04
Signaler
que m jadot et mme rousseau paye les salaires des employes de l'usine dieu merci en guyanne etre ecolos et solidaires pour un exemple

à écrit le 07/10/2021 à 12:39
Signaler
M Le Maire n'a visiblement pas compris que transition il y aura. Le tout est de savoir si on la subit ou on la choisit. Dans le premier cas, il y aura des milliards de morts sur Terre et, dans 60-70 ans, le vaccin contre le covid sera inutile car on ...

à écrit le 07/10/2021 à 9:03
Signaler
ecologie n'est pas etre un taliban de gauche c'est preserver la nature et la nature n'est pas a gauche elle est a tous

à écrit le 06/10/2021 à 17:33
Signaler
Vraiment ces commentaires de la Tribune deviennent un vrai tribunal populaire, niveau café du coin. Que des commentaires aigris, ça critique à tout va sans rien apporter comme solution, sinon de taxer toujours plus et bloquer les ronds-points. En oub...

le 06/10/2021 à 18:22
Signaler
Macroniste, je suppose ?

le 06/10/2021 à 20:35
Signaler
Panoramix, t'as clairement pas inventé la potion magique... Retourne à ton chaudron.

le 07/10/2021 à 9:46
Signaler
Tu devrais déjà être content que les gilets jaunes se soient limités à "critiquer à tout va sans rien apporter comme solution, et bloquer les ronds-points". Ils pourraient faire bien pire... Concernant la comparaison avec le régime Russe, même le rég...

le 07/10/2021 à 9:48
Signaler
Ce n'est pas que l'éolien est mauvais mais clairement c'est trompé les Français lorsqu'on fait miroiter que le renouvelable va régler nos problèmes d'approvisionnement.

à écrit le 06/10/2021 à 14:51
Signaler
j espere que ce n est pas un pretexte pour nous refiler 6 EPR a prix exorbitant , qui ne fc pas,et qui mettent 15 ans a etre construit. Aujourd hui, en 2021, nous avons des eoliennes offshores de 14 MW, made in france, construites et installees en 2 ...

à écrit le 06/10/2021 à 13:55
Signaler
quelle girouette !!!

à écrit le 06/10/2021 à 12:36
Signaler
Comment des gens raisonnables peuvent-ils perdre leur temps a ecouter ce clown ?

à écrit le 06/10/2021 à 10:25
Signaler
le sens commun n existe pas dans la république en marche. trop tard

à écrit le 06/10/2021 à 10:13
Signaler
C'est bizarre, lors de la crise des gilets jaunes, c'était pas possible. Le gvt ne pouvait pas affecter des taxes à une action, cela faisait parti d'un pot commun. quel retournement de veste !

à écrit le 06/10/2021 à 10:13
Signaler
voila ou conduit une ecologie de circonstance pour acheter des voix il ne faut pas empecher les investissements en fossiles tant que nous n'aurons pas mis au point les energies nouvelles autre erreur l'embargo vers la russie !!!!! nous n'avons pas ...

à écrit le 06/10/2021 à 9:49
Signaler
Completement hors sujet Mr Lemaire , la France se tire une balle dans le pied pendant que nos voisins allemands augment de 40% la production électrique avec du charbon, ainsi que la Chine l'Italie et autres

à écrit le 06/10/2021 à 9:42
Signaler
Ne pas le faire serait une faute, et faire une telle déclaration si tard en est une aussi. Le Maire est un lâche et une girouette (comme il l'a largement démontré avec Alstom Transport)

à écrit le 06/10/2021 à 9:37
Signaler
Et on a de plus en plus l'impression d'une UE à bout de souffle, sous respirateur artificielle incapable de parler, tout juste capable de balbutier répétant en boucle les mêmes mots à peine audibles: "pognon" "dividendes" "dumping social" "paradis fi...

à écrit le 06/10/2021 à 9:35
Signaler
M.Lemaire est le Ministre de la dette.. jamais dans pays développé(?) nous n'avons connu de telles plaisanteries..

à écrit le 06/10/2021 à 9:24
Signaler
Pourquoi ? Il pensait les affecter ailleurs? Il est clair qu'on est bien entré en période électorale. La boîte à mensonges est ouverte.

à écrit le 06/10/2021 à 9:23
Signaler
Pourquoi ? Il pensait les affecter ailleurs?

à écrit le 06/10/2021 à 9:03
Signaler
Bref! La "transition écologique" ne veux rien dire d'autre que de répandre de la peinture verte au frais des contribuables sans toucher aux rentes!

à écrit le 06/10/2021 à 9:03
Signaler
Bref! La "transition écologique" ne veux rien dire d'autre que de répandre de la peinture verte au frais des contribuables sans toucher aux rentes!

à écrit le 06/10/2021 à 8:37
Signaler
L'une des raisons de la colère jaune était que non seulement le niveau des taxes sur l'essence était trop élevé mais aussi que plus de 80% du montant était détourné de ce qui aurait dû être son affectation, à savoir accompagner la transition. Si ce n...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.