Monsieur le président de la République, vous avez souhaité faire de votre double quinquennat celui de la lutte contre les violences faites aux femmes. Vous vous félicitez d’être inattaquable sur ce sujet. Grande cause de vos quinquennats ? Il s’agit d’une posture politique, rien de plus. Des mots vides de sens pour toutes les victimes, et pour toutes les personnes engagées dans cette lutte. Vos propos dans l’émission « C à vous », le 20 décembre, témoignent de votre désintérêt pour la cause et d’une totale ignorance du champ des violences sexistes et sexuelles.
Pour vous justifier, vous invoquez la présomption d’innocence… comme si l’innocence primait sur la présomption. Un présumé innocent n’est pas nécessairement un innocent. C’est un innocent présumé, ni plus, ni moins. Gérard Depardieu est mis en examen depuis 2020. Cela signifie que des indices graves et concordants ont été relevés par le juge d’instruction. Pour rappel, trois plaintes ont été déposées : une pour agression sexuelle, deux pour viols, dont une non prescrite.
Que faites-vous de la présomption d’innocence des plaignantes ? Une victime a tout à perdre à porter plainte, surtout quand le mis en cause est connu et puissant. Elle perd son anonymat, sa tranquillité d’esprit, son emploi souvent, des amis – voire sa famille –, beaucoup d’argent consacré aux frais de soins et avocats. Près de 98 % des victimes disent vrai, devons-nous le rappeler ?
L’acteur populaire plutôt que la victime inconnue
La présomption d’innocence est un principe fondateur du droit pénal français. Elle n’empêche ni les victimes de parler, ni les journalistes d’enquêter. La presse informe la société et permet le recueil de la parole des victimes qui sont enfin entendues et considérées. Nul ne doit renier sa capacité à réfléchir sous couvert de présomption d’innocence.
De Gérard Depardieu, vous avez dit : « Il rend fière la France. » Cinq mots qui nous engagent tous contre notre gré et signent une impunité française, celle d’une idole, d’un monstre sacré auquel on pardonne tout. Depardieu n’a pas besoin de votre soutien présidentiel.
Les victimes, en revanche, auraient mérité que leur courage soit salué. Au lieu de cela, vous avez préféré soutenir l’acteur populaire plutôt que la victime inconnue, sacrifiée sur le champ de votre admiration pour cet « immense acteur ». Vous avez fait référence au reportage de « Complément d’enquête » que vous n’avez pas vu.
Une société permissive et lâche
Les propos sexistes intolérables de Depardieu en Corée du Nord vous auraient peut-être convaincu de l’abjection de son langage, de l’outrance du personnage. Pour rappel, l’outrage sexiste est un délit, et le viol est un crime, monsieur le président.
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