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Qu'est-ce que l'accord UE-Mercosur, ce traité qui pousse les agriculteurs dans la rue ?
Des manifestations ont lieu ce 21 février à l'appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs.
CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Qu'est-ce que l'accord UE-Mercosur, ce traité qui pousse les agriculteurs dans la rue ?

Agriculteurs en colère

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Alors que s'ouvre ce 24 février le Salon de l'Agriculture, les agriculteurs manifestaient ce mercredi pour s'opposer notamment à un accord de libre-échange que négocient l'Union européenne et le Mercosur, et qui pourrait signer "le sacrifice de la filière bovine".

À trois jours de l'ouverture du premier Salon de l'Agriculture du quinquennat Macron, les agriculteurs battent le pavé. À l'appel de la FNSEA, syndicat majoritaire et des Jeunes agriculteurs, des manifestations ont eu lieu ce mercredi 21 février à travers toute la France. Des opérations escargot ont notamment été menées dans la Loire, la Saône-et-Loire, mais aussi l'Est et le Sud-Ouest. Si le remaniement de la carte des zones défavorisées simples (ZDS) inquiète, un nouvel accord de libre-échange auquel la France s'apprête à donner le feu vert, donne également des sueurs froides aux agriculteurs. Marianne fait le point.

Les #JeunesAgriculteurs en ont marre de se faire plumer, et le disent devant la Préfecture de la #Vendée à #LRSY. pic.twitter.com/HU6VkYzWZO— FranceBleuLoireOcéan (@bleuloireocean) February 21, 2018

Que prévoit l'accord ?

Négocié depuis de longs mois, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et quatre pays du Mercosur - le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, et le Paraguay - doit entrer ce mercredi dans une nouvelle cession de tractations, dans la capitale paraguayenne d'Asuncion.

Les négociations portent désormais pour l'essentiel sur la question agricole, principal point de blocage. Les partenaires du Mercosur espèrent une plus grande ouverture du marché européen aux produits de leur agriculture. En décembre, l'offre de Bruxelles prévoyait la possibilité d'exportation de ces produits à droits de douane réduits pour 70 000 tonnes de bœuf, 600 000 tonnes d'éthanol, et 100 000 tonnes de sucre supplémentaires. Pas de quoi convaincre le Mercosur qui réclame d'avantage. Or, fin janvier, Le Monde révélait que la Commission européenne était prête à relever son offre en proposant d'autoriser l'exportation de 99 000 tonnes de bœuf. Pour l'UE, avec plus de 260 millions d'habitants, les signataires sud-américains de l'accord représentent en effet un énorme marché.

Que craignent les agriculteurs ?

Les craintes des agriculteurs concernent tout particulièrement l'importation massive de bœuf et notamment ses conséquences en terme de concurrence déloyale et de risque sanitaire. "Nous, on est prêt à faire l'effort de produire quelque chose de qualité. Mais ce que l'on veut faire en face, c'est qu'il y ait un prix de notre lait et de notre viande qui soient assez élevés pour qu'on puisse vivre, et à côté de ça, on fait venir de la viande à très bas coûts. On va finir par mourir", a dénoncé Jean-Marie Colon, président des Jeunes Agriculteurs de la Creuse, sur Franceinfo.

Dans un communiqué publié le 31 janvier, la FNSEA estime que "le sacrifice de la filière bovine est une évidence", tout en rappelant que le Mercosur représente déjà les trois quarts des importations de bœuf de l'UE. Selon Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale Bovine, 30 000 éleveurs" pourraient disparaître" en raison de cette ouverture commerciale.

Sur la question sanitaire, "ces produits sont fabriqués dans des conditions qui seraient illégales en France", s'indigne auprès du Figaro, Patrick Bénézit, secrétaire adjoint de la FNSEA, avant d'ajouter: "Exiger des agriculteurs français d'améliorer la qualité et laisser déferler des produits brésiliens, c'est un double jeu que nous ne sommes pas prêts à accepter. C'est pourquoi nous demandons l'abandon pur et simple des négociations".

"Comment peut-on promouvoir l'engagement dans la transition écologique en France, une sécurité sanitaire irréprochable et 'en même temps', autoriser des importations de produits dont les méthodes de production sont interdites en France", s'indignait déjà le syndicat dans son communiqué.

La France est-elle en train de lâcher ses agriculteurs ?

Au cours des négociations, la France a longtemps été l'un des acteurs principaux du blocage notamment sur la question bovine. Le 31 janvier, devant les députés à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert avait d'ailleurs confirmé concernant les négociations, qu'"à ce stade, le compte n'y [était] pas".

"Pour ce qui concerne le bœuf, le volume de contingent doit s'écarter le moins possible du volume jusqu'ici présenté dans l'offre européenne", avait-il prévenu, parlant d'une "ligne rouge que le président de la République a rappelée à Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne)", et appelant à ce que ce volume soit "déclaré finement et encadré afin d'établir l'équité des conditions de concurrence avec les producteurs du Mercosur".

Malgré ce soutien du ministre, une déclaration présidentielle avait mis le feu aux poudres quatre jours plus tôt. Le 26 janvier, Emmanuel Macron, recevant le président argentin Mauricio Macri, avait appelé à "essayer de finaliser rapidement" l'accord. De quoi prouver, déplore la FNSEA dans son communiqué, que "la France et l'Union européenne se préparent à lâcher l'agriculture dans la négociation en cours sur le Mercosur".

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne