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Carte-blanche : pourquoi les Delhaiziens peuvent et doivent gagner

© Belga – RTBF

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Par un groupe de signataires issus du monde académique, associatif et juridique*

Il y a environ six semaines, la chaîne de supermarchés Ahold Delhaize a annoncé sa décision de confier l’ensemble de ses 128 établissements en gestion propre à des exploitants indépendants. La direction de Delhaize affirme que rien ne changera pour les salarié.es concerné.es, mais ceux-ci redoutent, à juste titre, des pertes d’emploi et une détérioration des conditions salariales et de travail. Ces dernières n’étaient déjà pas fantastiques : les travailleurs et travailleuses (ce sont essentiellement des femmes) effectuent un travail très exigeant sur le plan physique, pour un salaire loin d’être mirobolant.

Ce plan de restructuration a déclenché une vague d’indignation, et une grande partie des salarié.es ont spontanément arrêté le travail. Six semaines plus tard, leur lutte continue. Nous les soutenons.

Historique

Les "Delhaiziens" et "Delhaizennes" écrivent une page importante de l’histoire sociale. Leur combativité est plus qu’impressionnante. Il semble que David pourrait l’emporter sur Goliath cette fois encore. En effet : ensemble, les travailleuses et travailleurs peuvent constituer un contrepoids important face à la puissance économique d’Ahold Delhaize. Leur message est clair : "Non à la maximisation des profits au détriment du personnel". Leur message est identique dans tout le pays et par-delà les frontières : des grèves ont lieu partout en Belgique, et des actions sont menées contre Ahold aux Pays-Bas.

La mise en place d’un nouveau modèle (a) social

Ahold Delhaize réalise déjà des millions de bénéfices, mais les actionnaires en veulent davantage. C’est la seule raison pour laquelle cette restructuration est prévue. Delhaize utilise d’ailleurs des magasins franchisés depuis des années, comme Proxy Delhaize et Shop & Go. Les travailleuses et travailleurs savent donc ce qui les attend.

La franchisation des magasins entraînera inévitablement une baisse des salaires et une détérioration des conditions de travail, quelle que soit la convention collective qui tente de l’empêcher. Cela n’est pas imputable aux propriétaires de magasins indépendants. Il n’est pas facile pour eux non plus de joindre les deux bouts. Ils sont également confrontés aux prix élevés de l’énergie et ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée, voire nulle, pour fixer leurs prix. De plus, ils doivent reverser à Delhaize une commission sur les ventes effectuées. Réaliser des économies sur les salaires représente donc le seul moyen pour eux de garder la tête hors de l’eau.

En outre, dans de nombreux magasins franchisés, il n’y aura aucune représentation syndicale, ces magasins employant moins de 50 personnes. Et sans syndicat, les soi-disant garanties ne valent rien : la personne se retrouve seule face à son patron et doit choisir entre travailler de plus en plus de manière flexible pour un salaire moindre et être licenciée pour des raisons économiques.

Flou, intimidation et répression de la part d’Ahold Delhaize

La direction de Delhaize sait qu’elle ne peut pas tenir sa promesse, selon laquelle rien ne changera pour les travailleurs. Les demandes de clarté des syndicats concernant l’avenir sont restées sans réponse.

Ahold Delhaize ressent manifestement la force de l’action collective. C’est précisément la raison pour laquelle la chaîne de magasins s’oppose si brutalement aux grèves en cours. L’entreprise s’est adressée au tribunal avec des avocats onéreux afin d’obtenir une interdiction de la grève par le biais de procédures unilatérales. Les personnes qui se tiennent encore à un piquet de grève sont menacées d’astreintes élevées par des huissiers. Pour poursuivre la restructuration antisociale malgré les protestations, Delhaize joue désormais la carte de la répression et de l’intimidation. Le droit de grève, garanti par la Charte sociale européenne, passe tout simplement à la trappe.

Les Delhaizien·ne·s méritent notre soutien.

Au lieu de chercher des solutions, Ahold Delhaize préfère faire taire ses employé·e·s en recourant aux huissiers de justice. Il est donc essentiel que les travailleuses et travailleurs bénéficient d’un large soutien.

D’ailleurs, la bataille des Delhaizien·ne·s nous concerne tous. Delhaize ne sera pas la seule chaîne de magasins à céder à la soif de profits et à la pression de la concurrence. D’autres groupes pourraient bientôt lui emboîter le pas. Par conséquent, de plus en plus de travailleuses et de travailleurs seront poussé·e·s vers des emplois précaires.

Cette tendance à la flexibilisation n’est pas nouvelle, mais elle est extrêmement dangereuse. Allons-nous bientôt basculer dans un système où nous aurons besoin d’au moins deux emplois pour gagner décemment notre vie ? Et oserons-nous encore défendre nos droits ?

Nous, les signataires de cette lettre, appelons donc à soutenir les Delhaizien·ne·s. Montrons-leur dès à présent notre reconnaissance pour leur travail acharné.

*Liste des signataires :

Céline Nieuwenhuys Secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux
Benedikte Zitouni Professeure sociologie, Université Saint-Louis Bruxelles
Carla Nagels Actrice des temps présents
David Jamar Professeur sociologie UMONS
Ken Loach Réalisateur
Elise Dermine Professeure de droit du travail à l’ULB
Esteban Martinez Professeur Université libre de Bruxelles
Jean Luc Demeulemeester Professeur ULB
Jean-François Neven Maître de conférences à l’ULB
David Murgia Comédien
Fabrice Murgia Réalisateur
Serge Deruette Professeur UMONS
Mathieu Verhaegen Président CGSP-ALR-BRU
Giulio Iacovone Directeur du CASI-UO asbl
Jean Paul II Foki Animateur Permanent Ciep Hainaut Centre
Marianne Pétré Avocate
Marie-Pierre De Buisseret Avocate
Pierre Robert Avocat
Sarah Janssens Avocate
Véronique van der Plancke Avocate au Barreau de Bruxelles et Maître de conférence à l’ULB
Frank Barat Activiste, auteur et producteur
Gwenaël Breës Réalisateur
Manu Scordia Dessinateur
Michel Renard Syndicaliste CNE
Freddy Mathieu Ancien Secrétaire Régional de la FGTB Mons-Borinage, militant de Gauche anticapitaliste
Cécile Piret Post doctorante – Assistante chargée d’exercices ULB
Jean Vandewattyne Enseignant-Chercheur UMONS
Laetitia Mélon Maître de conférences Université libre de Bruxelles
Sixtine Van Outryve Doctorante en droit UCLouvain
Youri Lou Vertongen Professeur-invité, Centre de recherche en Science Politique (Crespo), Université Saint-Louis Bruxelles
Charlotte Casier Chercheuse et déléguée syndicale CGSP à l’ULB
Vike Magrez Permanent. e JOC Mons-Borinage
Céline De Vos Artiste – scénographe
Daniel Tanuro Auteur ecosocialiste, membre de la Gauche anticapitaliste
Francesca Spinelli Journaliste
Bernard Janssens Enseignant
Francis Houart  
François Gaethofs  
Jean-Pierre Griez  
Julien Truddaïu  
Mona Malak  
Thérèse Michels  
Valérie Cardinal  
Christophe Vanroelen Professor Vrije Universiteit Brussel
Filip Dorssemont Professor Arbeidsrecht UCLouvain
Freek Louckx Professor Sociaal Recht Universiteit Antwerpen
Herwig Verschueren Gewoon hoogleraar Universiteit Antwerpen
Ico Maly Associate professor, Tilburg University
Karel Arnaut Professor sociale en culturele antropologie KU Leuven
Maarten Loopmans Professor KU Leuven
Marc Rigaux Em. Gewoon hoogleraar Universiteit Antwerpen en voorzitter Masereelfonds Antwerpen
Patrick Deboosere Professor Vrije Universiteit Brussel
Ann-Sophie Hofman Coördinator ad interim SAAMO Gent vzw
Dominique Kiekens Coördinator Instituut Samenwerking Universiteit Arbeidersbeweging, ISUA
Ellen Verryt Bestuurslid Furia
Heidi Degerickx Algemeen coördinator Netwerk tegen Armoede
Peter Veltmans Adjunct-secretaris ACOD AMiO Financiën
Stéphanie Staïesse Teamcoach Arbeid SAAMO Gent vzw
Geert Schuermans Auteur ‘De achterblijvers’
Peter Tierens Advocaat
Pieter De Vos Filmmaker
Anton Jäger Publicist
Claudia Marà Doctoraal onderzoekster (CeSo – Center for Sociological Research, FSW)
Jill Coene Onderzoeker Universiteit Antwerpen
Karim Zahidi Filosoof (UGent & UAntwerpen), voorzitter Masereelfonds
Karol Muszyński Postdoctoral researcher at ERC-funded project “ResPecTMe”, Faculty of Social Sciences, KU Leuven
Kurt Vandaele Onderzoeker European Trade Union Institute
Maarten Hermans Denktank Minerva / VUB
Pascal Debruyne Docent en onderzoeker Odisee Hogeschool
Katrin Van den Troost  
Ferre Wyckmans  
Tatiana de Perlinghi  
Barbara Frère  
Valerie Griez  

 

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