Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : la Russie accusée d’un "terrible crime de guerre" à Boutcha

Fumée au loin provenant du bombardement de la ville de Boutcha le 11 mars 2022 à Irpin, en Ukraine. Photo de Laurent Van der Stockt pour Le Monde/Getty Images.

© Getty Images / Le Monde

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Par Grégoire Ryckmans avec AFP

Les corps sans vie d’une vingtaine de personnes ont été vus dans une rue de Boutcha, cette ville ukrainienne située au nord-ouest de la capitale Kiev. Un journaliste de l’Agence France Presse (AFP) a affirmé avoir été témoin de cette scène dans une rue de Boutcha où gisaient les corps sans vie d’au moins vingt hommes portant des vêtements civils. Selon son récit, l’un des hommes avait les mains liées et les cadavres étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres.

L’Ukraine accuse la Russie d’un "massacre délibéré" et plusieurs hauts responsables politiques européens dénoncent ce dimanche un "terrible crime de guerre" qui "ne peut pas rester sans réponse".

Cadavres à Boutcha / l'Ukraine dénonce un massacre délibéré

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Des corps d’hommes jonchent une rue dans une ville proche de Kiev

Boutcha et la ville voisine d’Irpin – où selon les services d’urgence, 643 engins explosifs ont été désactivés depuis le départ des forces russes – ont été le théâtre de certains des combats les plus féroces depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine le 24 février.

Dans la ville de Boutcha proche de Kiev, les corps d’une vingtaine d’hommes éparpillés sur plusieurs centaines de mètres, dont l’un présente une large blessure à la tête, ont été vus par un journaliste de l’AFP.

Le journaliste de l’AFP présent sur place indique avoir vu les cadavres d’au moins vingt hommes en vêtements civils. Il a précisé que l’un des hommes vu avait les mains liées dans le dos avec un morceau de tissu blanc et qu’un passeport ukrainien ouvert posé sur le sol se trouvait à ses côtés.

Les circonstances précises et la cause de la mort de ces vingt hommes n’ont, à ce stade, pas encore pu être établies.

Le maire de Boutcha évoque des exécutions

"Tous ces gens ont été fusillés", "ils (les Russes) les tuaient d’une balle dans la nuque", a assuré à l’AFP Anatoly Fedorouk, le maire de Boutcha. Cette ville que les soldats ukrainiens ont reprise aux Russes, et où près de 300 personnes ont été enterrées "dans des fosses communes", toujours selon M. Fedorouk.

"Dans certaines rues, on voit 15 à 20 cadavres sur le sol" mais "je ne peux pas dire combien il y en a encore dans des cours, derrière les palissades", a poursuivi le maire. Plusieurs personnes retrouvées mortes ont les mains attachées par une bande de tissu blanche, utilisée pour montrer qu’elles n’avaient pas d’armes, a encore raconté M. Fedorouk.

Les forces ukrainiennes n’ont pu complètement pénétrer qu’il y a quelques jours dans Boutcha, qui avait été inaccessible pendant près d’un mois.

L’Ukraine dénonce un "massacre délibéré"

Sur Twitter, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a dénoncé ce qu’il a qualifié de "massacre délibéré".

"Le massacre de Boutcha était délibéré. Les Russes veulent éliminer autant d’Ukrainiens qu’ils le peuvent. Nous devons les arrêter et les mettre dehors. J’exige de nouvelles sanctions dévastatrices du G7 MAINTENANT", a-t-il écrit sur Twitter.

"Région de Kiev. L’enfer au 21e siècle. Les corps d’hommes et de femmes qui ont été tués avec les mains liées. Les pires crimes du nazisme sont de retour en Europe. Ceci a été fait délibérément par la Russie", a twitté de son côté un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak.

Allez-vous encore essayer de vous détourner ?

"Ce qui s’est produit à Boutcha et dans d’autres zones périphériques de Kiev ne peut qu’être qualifié de génocide", a ajouté le maire de la capitale ukrainienne, Vitali Klitschko, interrogé dimanche dans le quotidien allemand Bild. Il tient le président russe Vladimir Poutine personnellement responsable de ces "crimes de guerre atroces".

Comparant Boutcha au massacre de Srebrenica en Bosnie en 1995, il a accusé l’Occident d’essayer "de ne pas provoquer les Russes" pour éviter une troisième guerre mondiale.

"Comme résultat, le monde a vu une horreur indescriptible d’inhumanité à Boutcha, Irpin, Gostomel. Des centaines, des milliers de gens tués, déchirés, violés, attachés, violés à nouveau et tués à nouveau", a-t-il écrit sur la messagerie Telegram.

"Allez-vous encore essayer de vous détourner ? D’organiser un autre sommet pour vous inquiéter et secouer la tête ?", a-t-il lancé, s’adressant aux dirigeants européens.

Les Russes, en se repliant, laissent derrière eux "un désastre total et de nombreux dangers", a déclaré de son côté le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Londres et Berlin condamnent et évoquent un "crime de guerre"

La ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a de son côté indiqué que les attaques contre des civils devaient faire l’objet d’une "enquête pour crimes de guerre". "Alors que les troupes russes sont contraintes de battre en retraite, nous voyons de plus en plus en plus de preuves des actes révoltants commis par les forces d’invasions dans des villes comme Irpin et Boutcha", a déclaré Mme Truss dans un communiqué.

Les informations rapportées sur "les forces russes visant des civils innocents sont abjectes. Le Royaume-Uni travaille avec d’autres pays pour rassembler des preuves et soutenir l’enquête sur les crimes de guerre" menée par la Cour pénale internationale, a-t-elle ajouté.

Le vice-chancelier et ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, a dénoncé ce dimanche un "terrible crime de guerre" en évoquant Boutcha. Il a également indiqué vouloir de nouvelles sanctions économiques soient adoptées par les pays de l’UE contre la Russie.

"Ce terrible crime de guerre ne peut pas rester sans réponse", a affirmé l’écologiste au journal allemand Bild. "Je pense qu’un renforcement des sanctions est indiqué. C’est ce que nous préparons avec nos partenaires de l’UE", a-t-il ajouté.

Quelques minutes plus tard, la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a qualifié les images de Boutcha d'"insoutenables". "La violence effrénée de Poutine anéantit des familles innocentes et ne connaît aucune limite", a écrit sur Twitter la cheffe de la diplomatie allemande, qui a assuré que "les responsables de ces crimes de guerre" devraient "rendre des comptes".

"Nous allons renforcer les sanctions à l’encontre de la Russie et soutenir davantage l’Ukraine dans sa défense", a-t-elle ajouté, sans donner davantage de précisions.

Vers de nouvelles sanctions européennes

De son côté, le président du Conseil européen, Charles Michel, a réclamé plus de sanctions à l’encontre de Moscou.

"Choqué par les images obsédantes des atrocités commises par l’armée russe dans la région libérée de Kiev", a écrit M. Michel sur Twitter, en mentionnant le hashtag "#BuchaMassacre", du nom (en anglais, ndlr) de la localité ukrainienne.

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"L’UE aide l’Ukraine et des ONG à rassembler les preuves nécessaires pour des poursuites devant les cours internationales", a précisé le président du Conseil européen.

"Plus de sanctions et d’aide de l’UE sont en chemin", a-t-il ajouté.

L’UE a déjà adopté plusieurs trains de sanctions contre Moscou depuis l’offensive en Ukraine, ciblant massivement des entreprises, des banques, des hauts responsables, des oligarques, et interdisant l’exportation de biens vers la Russie.

Quelles conséquences possibles ?

Ce n’est pas la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine que des accusations de crimes de guerre sont portées contre la Russie.

Dans un communiqué publié ce dimanche, l’ONG Human Rights Watch a indiqué avoir pu documenter plusieurs cas de violations des lois de la guerre par les forces militaires russes à l’encontre de civils dans les zones ukrainiennes occupées de Kiev, Kharkiv et Tchernihiv. Elle évoque des viols répétés, des exécutions sommaires et d’autres faits de violence et menaces envers les civils entre le 27 février et la 14 mars.

L’ONG indique également être en mesure de confirmer des cas de spoliation de biens de civils par des militaires russes. "Les cas que nous avons documentés témoignent d’une cruauté et d’une violence indicibles et délibérées à l’encontre des civils ukrainiens", a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. "Les viols, meurtres et autres actes de violence contre des personnes détenues par les forces russes devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre présumés."

Ces nouvelles accusations de crimes de guerre à Boutcha pourraient avoir comme conséquence directe un nouveau durcissement rapide des sanctions économiques européennes à l’égard de Moscou.

Ces accusations sont également à même de peser de façon conséquente sur les négociations de paix qui devraient reprendre ce lundi entre Russes et Ukrainiens.

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