D'ailleurs les hommes cyberharcelés le sont en général par... des hommes.
FH : Oui, et puis pas avec les mêmes mots, et pas dans les mêmes proportions. On dit qu'on va s'attaquer à leurs filles et à leurs femmes par exemple. Quand Pierre Ménès a été accusé d'agression sexuelle, on a menacé sa femme !
ML : Et quand il n'y a pas de femme à attaquer, on s'attaque justement à cette absence de femmes : "baise un coup"... ou alors ça verse dans l'homophobie...
Parfois c’est la loi qui amène le changement de mentalités, parfois, c’est l’inverse. Il faut une impulsion politique, et une prise de conscience collective
L’ampleur du phénomène tient aussi dans son encouragement. C’est dit dans le film : harceler rend populaire. C'est toujours cette vision du monde où être méchant est vu comme ‘cool’ et être gentil est vu comme une faiblesse...
ML : Tout à fait. C’est comme les caïds de cour de récré : ils le sont aussi parce que c'est socialement valorisé.
Un de témoignages les plus ‘surprenants’ du film est celui de Natascha Kampusch...
ML : On est tombées sur elle par hasard via un "appel à candidatures" pour le film. Quelqu'un m'a dit tu sais, elle a été harcelée, elle a écrit un livre là-dessus... On lui a dit des horreurs du genre (NDLR – contenu sensible) : " Moi aussi j'aimerais bien être séquestré dans une cave si c'est pour devenir riche et célèbre... " Son livre, c'est la même démarche que nous : aller voir des femmes qui ont vécu la même chose pour collectiviser et politiser le problème.
Ce sont des agressions qui ont des conséquences sur le débat démocratique
Selon vous, quel est l’obstacle principal pour endiguer ce phénomène ? L'absence de volonté politique ?
FH : Évidemment que les solutions concrètes doivent passer par le politique. Pour changer la constitution afin qu'on ne puisse plus insulter quelqu'un en ne risquant rien parce que c'est considéré comme du délit de presse, il faut une impulsion politique. Pour que les policiers soient formés, il faut une impulsion politique. Quand le politique a dit "ça suffit les vols de voiture", on a mis des moyens, on a formé les policiers, et les vols de voiture ont baissé. Ici, les policiers ne savent même pas comment encoder ce genre de délit ! Et un délit mal encodé ne finit jamais au tribunal. Mais le problème est plus général. Parfois la loi amène le changement de mentalité, parfois c'est l'inverse.
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ML : Donc l’important c'est à la fois un changement politique, mais aussi une prise de conscience de ce qui est en train de se passer. Que les personnes qui assisent à ça aient une grille de lecture adéquate. Qu’elles ne disent pas " oh c'est le langage d'internet, c'est comme ça, le débat est musclé " ... mais réalisent ce qui est en train de se passer : des agressions, unilatérales, visant certains publics minorisés, qui participent à un climat social qui a des conséquences sur le débat démocratique.
#SalePute – mercredi 12 mai à 20h30 sur La Une. A revoir sur Auvio.
Infos et soutien sur les cyberviolences : la collective Chayn.
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.
Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.